— Tu es une femme forte, tu vas tenir et gagner.
Florence acquiesce d’un hochement. Fabienne, sa meilleure amie, infirmière, est accourue au premier appel.
— Bon, je ne te cache pas que ce n’est pas une totale partie de plaisir, mais tu es en de bonnes mains. Ton traitement est personnalisé. Il faut de la patience. Et de l’énergie. Pour l’énergie je te fais confiance. La patience, tu y viendras ma belle.
— Et mes cheveux ? risque Florence en enroulant une mèche blonde sur son index.
— Rien n’est certain, mais s’ils venaient à tomber, ils repousseront à la fin du traitement. Si tu as vraiment peur, choisis une perruque dès maintenant ! J’irai avec toi, on prendra la couleur la plus proche de tes cheveux, la même coupe. À moins que tu préfères virer punkie avec une crête rose ?
Florence esquisse un sourire. Puis elle contre-attaque :
— Ils auraient pu m’opérer, non ? Enlever un poumon…
— L’équipe médicale a dû te l’expliquer : il y a quelques métastases, la chimio est idéale dans ces cas-là, répond Fabienne avec douceur.
— « Dans ces cas-là », quels cas ? gronde soudain la voix de Simon qui vient d’entrer dans le salon.
— Eh bien, lorsqu’on a détecté des métastases, rétorque Fabienne en fronçant le sourcil.
Il continue, incapable de comprendre les signaux de l’infirmière :
— Tu veux dire quand ce n’est plus opérable ?
— Ou tout simplement quand l’équipe médicale a jugé que la chimio était le traitement approprié, réplique-t-elle fermement.
Simon n’insiste pas. Au fond de lui-même, il s’en veut de cette agressivité rentrée qui le pousse à des insinuations stupides, comme s’il voulait casser le moral de sa femme, la précipiter déjà dans la dépression, bref accélérer sa chute.
Florence se tait, pensive. Simon fait preuve de si peu de tendresse. Comme s’il ne l’aimait plus… Comme si… Non, tu te trompes, chasse les idées noires. Ce n’est pas le moment, se gourmande la malade.
Trois jours plus tard, la première des six séances de chimio est surmontée. La pose du cathéter a nécessité une petite anesthésie locale avant la première perfusion. Stoïque et disciplinée, Florence a encaissé les effets secondaires qui n’ont pas tardé à survenir à peine de retour à la maison.
Simon, prétextant une réunion de travail hors de Paris, a fui l’épreuve et s’est réfugié dans les bras de Béatrice dans un hôtel du Quartier Latin.
— Elle ne va pas tenir le coup longtemps. Je me suis renseigné. La chimio aidera à combattre les métastases, mais son cancer est trop avancé. Et puis elle ne supportera pas la dégradation physique, elle baissera les bras.
Un temps, puis :
— Et si elle ne les baisse pas, on peut l’y aider…
Béatrice, décontenancée, bredouille un vague :
— Que veux-tu dire par là ?
— Mais rien, rien du tout. Simplement… s’il s’agit d’un cancer incurable, l’équipe soignante passera à un traitement palliatif. Au bout du compte, il faudra bien qu’elle accepte l’inévitable, qu’elle admette que la mort est imminente. C’est très difficile… Alors l’entourage joue un rôle très important : il aide ou il n’aide pas…
Ils ne disent plus un mot, tétanisés par les pensées suscitées par les sous-entendus de Simon.
Béatrice pourrait se révolter devant tant de bassesse. Simon avoir un sursaut d’humanité, de dignité. Elle murmure :
— Oh, Simon, nous ne pouvons pas penser à ça…
C’est pourtant ce qu’ils font, ruminant chacun pour soi un plan au cœur duquel figure la mort de Florence.
Au même moment, Florence lutte contre les nausées et les pensées morbides, accompagnée de la douce Fabienne.
Prochain (et dernier) épisode dans notre édition du 28 septembre
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