Le ventre s’est calmé, plus de sursauts. La sinistre présence qui s’y trouve s’est endormie. Prudemment, Imhotep et Senedj s’approchent.
— Vous avez déjà vu ça auparavant ? interroge le jeune médecin.
— Jamais, pas une manifestation si violente, du moins… Regarde comme l’abdomen est enflé…
Imhotep se précipite vers ses sacoches et en déroule un immense parchemin.
— Qu’est-ce que c’est ? interroge Senedj.
— Mes écrits ! Toute la science de l’Égypte ! Imhotep parcourt les dizaines de mètres du parchemin. Maux d’estomac, maux d’estomac… Ah ! Il nous faudrait essayer la poudre d’ocre jaune !
— Je vois que les prêtres l’en ont déjà badigeonnée… remarque Senedj en soufflant sur ses doigts recouverts d’une poudre fine.
— Et ceci : pour l'évacuation des intestins, mélilot, dattes, l'ensemble réduit en huile, puis oint sur les parties malades… Que fais-tu ?
— Je tâte ses ganglions.
— Gonflés ?
— Oui, au niveau des aisselles et des clavicules. Senedj se redresse et croise les bras. Je pense qu’il faudrait…
— Un toucher rectal pour vérifier la présence de masses dans le pelvis ? dit Imhotep en s’approchant.
Senedj hausse les sourcils de surprise.
— Oui, tout à fait ! Et…
— Déjà fait, l’interrompt le sage en secouant la tête.
— Et alors ?
— Elles y sont…
Senedj soupire.
— Sans mon matériel, je ne peux ni m’avancer ni opérer mais j’ai peur que… Imhotep lève une main pour l’arrêter.
— Qu’il s’agisse d’un cancer, dit le sage en complétant sa phrase. Et pour la tumeur du Dieu Xenus, tu ne feras rien contre ça… murmure-t-il en laissant tomber le parchemin. Alors nous sommes fichus, Senedj. Ni ta médecine ni la mienne ne peuvent rien contre ce mal… J’ai été sot. C’est la fin.
Les pleureuses éclatent en sanglots, les prêtres entament leurs sacrements et les gardes se regardent, nerveux. Vaincu, Imhotep observe d’un air sombre les eaux laiteuses qui les encerclent. Il n’y a plus de berges, plus de Nil : juste la rivière immense aux eaux blanches sous la lune, tel un océan de lait où s’agitent parfois les bras des âmes perdues. Bientôt le pays des morts apparaîtra et avec lui, la fin du voyage.
— Attends ! s’écrie Senedj. Ça ne peut pas être aussi extrême ! Il doit y avoir une explication, une solution !
Il s’approche de Sekhmet endormie. Ses cicatrices, innombrables, dessinent sur sa peau des hiéroglyphes, récits de ses batailles… Senedj les observe, les suit des yeux, le long des épaules, des trapèzes, de l’épine dorsale… Là ! Juste au-dessus des reins !
— Imhotep ! Tu peux me traduire ce hiéroglyphe ?
Imhotep s’approche des cicatrices indiquées par Senedj. Elles forment le dessin irrégulier d’une femme-chat aux prises avec un immense serpent attaquant le soleil.
— Apophis le Serpent attaquant Rê… décrypte-t-il.
— C’est ça ! Mais bien sûr ! Rappelle-toi ce qu’elle a dit : « je digérerai ma proie de la tête à la queue » ! Ça se tient, Imhotep ! Nous savons ce que Bastet a avalé ! Apophis, le Serpent, sa proie !
— Apophis, le serpent… cette tumeur, ces soubresauts… C’était lui ! se réjouit Imhotep, le visage s’éclairant soudain avant de se voiler à nouveau. Mais… Comment le faire sortir, Senedj ? ! Le soleil va bientôt se lever, et avec lui… la terre des morts !
— Le soleil, Rê… Attends un instant… Dans cette barge, j’ai cru voir des miroirs ?
— Ce sont des dons funéraires, les prêtres ont pensé que…
— Apportez-moi les tous, ainsi qu’un grand bouclier ! J’ai une petite idée… sourit Senedj en se tournant vers le ventre grouillant.
Prochain (et dernier) épisode dans notre édition du 9 novembre
Avec la collaboration de

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