— Senedj es-tu sûr que ce soit le moment de te refaire une beauté ? s’inquiète Imhotep devant le manège du jeune homme. Même si un peu de maquillage, avant d’aller faire peser ton cœur, ne te ferait pas de mal.
Mais Senedj n’écoute pas sa remarque moqueuse, le jeune médecin est en effet occupé à fixer le dernier miroir à l’intérieur du bouclier attaché à un bâton. Jaugeant la distance avec le soleil, il se place à la poupe et fait signe à tous de se pousser, laissant un espace vide entre lui, le miroir et la déesse. Imhotep le regarde, décontenancé.
— Es-tu devenu fou ? Tu ferais mieux de faire comme les prêtres, et de préparer ta moitié d’oignon et ta mousse de bière, la mort nous attend !
— Les miroirs ardents, Imhotep ! On en attribue l’invention à Archimède lors du siège du Syracuse ! Mais tout ça n’est pas encore arrivé… Peu importe : bien que l’histoire soit controversée, ses effets, eux, sont avérés, il suffit juste… Senedj observe le soleil, penche un peu son dispositif… De la bonne configuration… Et voilà ! Le doigt de Rê !
Répercutés à l’intérieur du bouclier et concentrés en un point précis, les rayons du soleil jaillissent et fusent en un trait de feu sur le ventre grouillant de la déesse. Les prêtres hurlent, les gardes se jettent au sol, Imhotep lui-même recule de quelques pas ! Le ventre soudain en feu, Sekhmet se réveille en hurlant !
— Que faites-vous, mortels ? Vous osez vous en prendre à moi ! Je vous dévorerai tous et me baignerai dans votre sang, chiens !
— Calme ta fureur, ô Sekhmet ! Et observe plutôt le mal dans ton ventre s’écraser sous l’ire de Rê !
En effet, dans le ventre de la déesse, Apophis se tord, brûlé par les rayons du soleil !
— Que se passe-t-il ? gronde Sekhmet.
— Eh bien, ma déesse, dit Imhotep en s’avançant, il me semble qu’Apophis, ton hôte indésirable, veuille finalement sortir…
— Apophis, c’était donc toi, sourit Sekhmet de tous ses crocs. J’imagine que je dois ta présence fort peu appréciée à Bastet… dit Sekhmet en sortant une griffe.
D’un geste, elle s’ouvre le ventre, libérant Apophis ! Sifflant et crachant, le crotale s’enfuit et disparaît dans les eaux du Nil. Imhotep, reconnaissant, pose une main sur l’épaule de Senedj.
— Terre ! hurle un garde alors que la barge mord le sable meuble de la rive.
— Enfin ! crie Senedj sautant à terre. Il était temps ! Vous venez ? Mais dans la barge, personne ne bouge, et tous le regardent, alarmés. Senedj se fige. Il a compris. Le sable qu’il a sous ses pieds, ce n’est pas du sable, mais de la poudre d’os ! La terre sur laquelle il marche, ce n’est pas celle des vivants… Mais celle des morts ! Le voyage est fini : ils sont arrivés ! Un sifflement… Et l’ombre immense d’Apophis s’abat !
Senedj ferme les yeux, retient son souffle, un claquement sec et puis… Plus rien ?
Il rouvre les yeux. Il est à nouveau dans le désert, face à la statue d’un sage dont il y a peu il ignorait le nom. Entre lui et la statue, Paul, son mari, vient d’immobiliser le crotale à l’aide d’une perche à selfie.
— Eh bien ! dit ce dernier en jetant le crotale au loin. Je m’éloigne cinq minutes faire cet achat, indispensable, et tu te mets déjà dans une situation rocambolesque ! Qu’est-ce que ça aurait été si j’étais parti une heure !
Senedj se jette à son cou. L’embrassant, il le regarde de ses yeux brillants.
— Rentrons mon chéri : j’ai tant à te raconter !
Et tous deux s’en vont, dans la chaleur du désert, sous l’œil complice des dieux d’Égypte et de la statue souriante d’un sage antique.
Une prochaine Histoire courte dans notre édition du 16 novembre
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