Marcel n'a plus une tête d'assassin. Voilà déjà deux ans qu'un remarquable chirurgien esthétique a transformé sa vie et son apparence. Ce n'est plus le même homme. Dorénavant, il n’inquiète plus personne. Il est ouvert, franc, engageant, tout comme l'est devenu son visage.
Marcel enchaîne maintenant les conquêtes. Chaque semaine, une fille différente est pendue à son cou. Le jeune homme croque dans les plus belles pommes : il a tant à rattraper ! Il ne contrôle plus rien, a envie de tout, ne se fixe plus de limites. Il se laisse délicieusement étourdir par ce tourbillon des sens. La fête est devenue son seul leitmotiv.
Un samedi, Marcel rejoint des amis dans un café branché où il a ses habitudes. C'est un lieu où la jeunesse aime bien gaspiller son temps. On se rencontre, on paraît, on refait le monde et l'on tente de se séduire. Marcel y jouit d'une vraie popularité. Surtout auprès de ces demoiselles. Il y retrouve, d'ailleurs, sa conquête du moment, Éloïse, une petite brune piquante qui semble être, littéralement, tombée en amour. Quoiqu'il dise – ou ne dise pas –, elle le fixe avec intensité et admiration. Il est vrai que, depuis l'opération miraculeuse, quelque chose de solaire se dégage enfin de Marcel. C'est incroyable comme quelques coups de bistouri ont suffi à chasser les ondes inexplicablement négatives, générées par sa pauvre mine. Et même si Marcel ressent parfois de la solitude, perdu dans les fragiles amitiés de circonstances, il n'a aucune envie de retrouver les affres existentielles imposées par sa gueule d'antan.
La soirée se déroule donc comme à l'accoutumée, tout en discussions, rires et verres offerts. Éloïse doit exceptionnellement rentrer plus tôt chez elle et ne peut partager sa nuit avec Marcel. Elle est contrainte de filer, non sans regrets, à vingt-deux heures trente, après avoir fougueusement enlacé son amant. Lui, peu affecté, continue à plaisanter avec ses comparses jusqu'au petit matin. À la fermeture de l'établissement, les amis, éreintés, se séparent enfin et Marcel se retrouve seul dans les rues blafardes. Il rentre chez lui à pied, son appartement se trouvant à quelques encablures. Le froid est vif et il remonte son col sur sa petite gueule d'ange. Ses pas résonnent légèrement et il goûte une fois encore à l'extase inépuisable de se savoir beau et attrayant. Depuis la disparition des derniers hématomes post-opératoires, un incroyable sentiment de toute-puissance l'envahit régulièrement. Marcel bénit encore une fois le nom du chirurgien qui lui a rendu sa vraie nature. Il avance dans les ruelles sombres comme un conquérant, rictus aux lèvres. Il n'a pas du tout envie de dormir et sent une singulière énergie le tarauder encore. Soudain, Marcel aperçoit, loin devant lui, une frêle silhouette féminine s'enfonçant dans l'espace. Sans vraiment réfléchir, il presse le pas pour la rattraper, prenant soin de ne pas faire de bruit. À mesure que se réduit la distance, une drôle d’excitation s'empare de lui. Il a envie de chasser. Dorénavant, personne ne peut plus échapper à son charme. N'est-il pas devenu irrésistible ? La jeune femme presse le pas, peu rassurée de se savoir seule dans le petit matin âpre. Elle ne sait pas encore que quelqu'un se rapproche d'elle, inexorablement. Marcel est maintenant tout près. Il distingue la nuque délicate qui semble s'offrir à lui. Ses mains, devenues incontrôlables, s'y abattent et serrent, serrent, impitoyablement.
Une nouvelle histoire courte dans notre édition du 16 mars
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