La définition de la santé sexuelle par l’OMS en 2002 est la suivante : « état de bien-être physique, émotionnel, mental et social associé à la sexualité. Elle ne consiste pas uniquement en l'absence de maladie, de dysfonction ou d'infirmité (…) » Notre rôle de professionnel.le.s de santé nous implique donc directement dans la prévention, le respect et le maintien de cette bonne santé sexuelle.
La notion de virginité, le rôle de l’hymen, n’ont trouvé aucune place dans cette définition puisque le mot « virginité » n’est pas un terme médical ni scientifique et qu’il représente une construction religieuse, sociale et culturelle qui n’a pas sa place dans le champ du soin. Le mot hymen, quant à lui, fait vient du grec « humen » signifiant membrane qui correspond à un résidu de membrane endodermique séparant l’ouverture du vestibule, ne jouant aucun rôle dans la physiologie du corps de la femme. Il est établi que 40 % des femmes ne saignent pas lors du premier rapport sexuel, soit du fait de l'absence d'hymen, soit du fait d'un hymen souple qui ne se déchire pas. La définition de la virginité est donc complexe et ne peut être affirmée que par la femme elle-même.
Et pourtant, nous sommes confronté.e.s dans notre pratique médicale à la demande de certificats de virginité, variable selon nos patientèles et nos lieux d’exercice. Le certificat médical engage notre savoir et résulte d’un examen médical qui ne se justifie que s’il a une raison médicale : il n’est obligatoire que si un texte législatif ou réglementaire l’exige.
L’ANCIC, association impliquée dans la santé génésique des femmes depuis 1979, consciente de la réalité de ces demandes a choisi d’éditer depuis 2015 un document d’information sur l’hymen. Il a pour objectif de conseiller un public large : les femmes et les hommes en consultation, les enseignants et les élèves lors des séances d’information à la vie affective et sexuelle, les intervenant.e.s associatifs et militant.e.s, les professionnel.le.s de la santé sexuelle.
Que répondre à ce type de sollicitation ?
Comment accueillir la demande de certificat de virginité ? Celle-ci émane quasi exclusivement de jeunes femmes venant soit de leur propre initiative, soit pour répondre à la demande pressante du futur mari et/ou de la famille. C’est à chaque fois l’occasion de rappeler les variabilités anatomiques de l’hymen qui, dans de rares cas extrêmes est imperforé. Une fois cette pathologie écartée, les autres variantes sont un hymen micro perforé, criblé, bi ou tri fenestré, la particularité de l’hymen étant sa souplesse et sa capacité à être distendu. La plupart des jeunes femmes découvrent ainsi que leur hymen est donc naturellement perforé. Ces considérations anatomiques étant comprises, la question de la virginité est abordée pour comprendre en quoi elle relève d’une appréciation médicale et quelle en est la définition pour cette femme.
La sexualité faisant partie intégrante de la vie, avec un début précoce, y compris dans la vie anténatale, la pénétration vaginale n’est qu’une infime partie de la sexualité. Peut-on dire d’une femme qu’elle est vierge juste parce qu’elle n’a jamais connu de pénétration vaginale ? Inversement, une femme dont la sexualité « pénétrative », pour ne pas être vaginale, serait orale ou anale est-elle définie comme vierge ? Et « ces vierges enceintes » pour lesquelles les spermatozoïdes ont franchi le ou les orifices naturels de l’hymen, qu’en dit-on ?
Si le test de virginité consiste à inspecter l’hymen afin de voir s’il est déchiré ou d’évaluer son degré d’ouverture, et/ou à introduire un ou deux doigts dans le vagin, pourquoi le réaliser, alors que l’OMS affirme que rien ne peut démontrer que l’une ou l’autre de ces méthodes permet de prouver qu’une femme a eu ou non des rapports vaginaux ? Ne s’agit-il pas là d’une forme de discrimination fondée sur le sexe et sur des stéréotypes cantonnant la sexualité féminine à la sphère du mariage, niant le respect de son intimité, de la découverte de son corps et constituant une violation de ses droits fondamentaux.
Et pourtant, dans certains cas, face à la détresse dans laquelle ces femmes se trouvent, certain.e.s professionnel.e.s d’entre nous se sont senti.es contraint.e.s de déroger et ont rédigé de tels certificats. Doivent-il.elle.s être condamnés ? Quand l’enjeu entre la rédaction d’un tel certificat et le risque pour les femmes d’exclusion, de violence surajoutée voire vitale existe, ne sommes-nous pas dans l’obligation de protéger nos patientes ? Quelles sont les protections prévues aujourd’hui par notre système pour lutter contre les représailles auxquelles elles pourraient être confrontées ?
Alors, plutôt que de pénaliser les professionnel.le.s de santé, ne devrions-nous pas lutter contre les idées fausses relatives à la virginité qui mènent au contrôle du corps et de la sexualité des femmes ? Ne s’agit-il pas d’une erreur de cible ? Notre société ne doit-elle pas, mettre en place des campagnes d'information expliquant que la demande même d'exigence d'un certificat de virginité est illégitime et sans fondement.
L’ANCIC a proposé un modèle de certificat à rédiger à ces femmes qui en font la demande : « Je soussigné.e… certifie avoir reçu ce jour Madame… pour une demande de certificat de virginité. La rédaction d’un tel certificat est impossible selon le code de la santé publique à l’exception d’une demande émanant d’un officier de police. » Ce certificat a deux objectifs : informer de la non-recevabilité d’une telle demande et permettre à la femme de justifier de la non-obtention du certificat. En effet, rentrer à la maison sans certificat expose à une double interprétation : la non-demande ou l’absence de virginité et par voie de conséquence d’éventuelles sanctions. La production d’un tel écrit permet d’amorcer une discussion et, à terme, d’éconduire ces demandes injustifiées. Cela permet aussi de donner aux familles une information ferme sur l'interdiction de faire une telle demande.
Exergue : Quand l’enjeu entre la rédaction d’un tel certificat et le risque pour les femmes d’exclusion, de violence existe, ne sommes-nous pas dans l’obligation de les protéger ?
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Certificats de virginité : une infraction au Code de la santé et l’entretien d’une tradition néfaste envers les filles
Certificats de virginité : une infraction au Code de la santé et l’entretien d’une tradition néfaste envers les filles
Plutôt que de pénaliser les professionnel.le.s, ne devrions-nous pas lutter contre les idées fausses relatives à la virginité ?