Agnès Firmin Le Bodo est devenue, « par intérim », ministre de la Santé. La pharmacienne est aussi dans la tourmente : Mediapart a révélé qu’elle fait l’objet d’une enquête judiciaire pour 20 000 euros de cadeaux qu’elle aurait reçus, sans les déclarer, de la part des laboratoires Urgo. La polémique installée, son avenir à Ségur est menacé au moment où nous écrivons ces lignes, en plein remaniement.
Pourtant, la Havraise, proche et dans le même parti (Horizons) que l’ex-Premier ministre et actuel maire de la cité océane Édouard Philippe, est fidèle au poste à Ségur depuis juillet 2022. Nommée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention François Braun, elle avait hérité à l’époque d’un portefeuille créé de toutes pièces, le ministère délégué de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, marqueur de la volonté de l’Elysée de s’attaquer aux déserts médicaux et de rétablir la confiance avec les soignants.
Avocate des délégations de tâches
Un proche décrit « une femme engagée, bosseuse et loyale, dévouée à l’intérêt général ». À « l’OTPS », comme disent ses conseillers, « elle ne compte pas ses heures ». Multipliant les déplacements et les rencontres avec les acteurs, elle s’est saisie du dossier de la fin de vie, sujet majeur mais miné pour Emmanuel Macron. Un avant-projet de loi, incluant la possibilité d’une aide active à mourir, est dans les tuyaux.
En responsabilité, la ministre s’est aussi investie fortement sur les délégations de tâches et les coopérations, se réjouissant par exemple de l’extension des compétences des pharmaciens ou de l’émergence de nouveaux métiers. Elle a également accompagné la mise en œuvre de la loi de bioéthique de 2021, permettant l’ouverture de l’accès pour toutes à la procréation médicalement assistée (PMA).
Cela n’a pas été simple pour François Braun de travailler avec elle
Dans l’Hémicycle (où elle avait siégé de 2017 à 2022), Agnès Firmin Le Bodo a défendu, sur le banc des ministres, les budgets de la Sécu (PLFSS) successifs du gouvernement. D’autres sujets figurent dans son portefeuille, comme la planification écologique dans la Santé. Elle a notamment été jusqu’à Dubaï (Émirats arabes unis) pour représenter la voix de la France à la COP 28.
« Elle a son caractère »
Mais dans les couloirs de Ségur, était-elle pour autant appréciée ? « Cela n’a pas été simple pour François Braun de travailler avec elle. A son arrivée, il souhaitait obtenir un ministère de tutelle pour l’épauler sur le budget de la Sécu. Mais Agnès Firmin Le Bodo s’est batture, avec succès, pour décrocher un autre périmètre de travail », raconte une source présente au ministère à l’époque. « Cherchant en premier lieu des sujets visibles », la Havraise « a voulu tout de suite s’occuper du dossier fin de vie et dès qu’elle a eu la main dessus, elle ne l’a pas lâché ! », raconte cette même source. Agnès Firmin Le Bodo « a son caractère » et ses relations avec l’ancien ministre « n’étaient pas fluides, particulièrement au début ».
Si le secteur lui reconnaît son sérieux et un investissement sincère sur l’accès aux soins et la réorganisation territoriale, il demeure toutefois mitigé sur le reste. La présidente du Snphare, la Dr Anne Wernet, évoque une ministre « très discrète », qui « sait très bien faire du relationnel », ce qui ne sonne guère comme un compliment. À MG France, le Dr Jean-Christophe Nogrette rapporte des échanges « un peu raides sur les sujets comme la place du médecin traitant. Elle contrôle très bien son expression et ne mène pas de conversation à bâtons rompus… C’est quelqu’un de difficile à cerner, avec des idées manifestement arrêtées », rapporte-t-il.
Proche des jeunes
« Rien ne m’enthousiasme dans son parcours », confie, sévère, le président de l’UFML-S Jérôme Marty. « Ce type de propos va à rebours des messages reçus de la part du secteur lors de l’annonce de sa nomination, qui étaient très positifs », lui rétorque un proche de la ministre.
D’autres n’oublient pas le contexte de sa première nomination à Ségur, comme l’ancien président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), Gaëtan Casanova. « Son précédent portefeuille a été créé de toutes pièces pour introduire un politique issu du parti Horizons », grince-t-il. Toutefois, « elle est toujours là, quand d’autres ont démissionné ou explosé en vol », reconnaît-il malgré tout. Son successeur à la tête de l’Isni, Guillaume Bailly, salue « une ministre de terrain, à l’écoute, avec qui l’Intersyndicale a bien travaillé sur plusieurs sujets propres aux internes et qui s’est engagée contre toute coercition ». Pas sûr que cela suffise pour jouer les prolongations.
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