François Mitterrand a usé dix ministres de la Santé en quatorze ans ; Jacques Chirac neuf en douze ans ; Emmanuel Macron six… en six ans. C’est un fait : le portefeuille de Ségur n’est pas le plus commode du gouvernement. Au point, sous la présidence d’Emmanuel Macron, de faire valser ses détenteurs presto. Agnès Buzyn, Olivier Véran, Agnès Bourguignon puis François Braun, Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo ont tous joui pour quelques semaines, mois ou années de la vue sur la Tour Eiffel qu’offre le grand bureau d’angle du 7e étage du ministère de la Santé. Les raisons de la longévité sont multifactorielles, mais une première constante demeure : la nécessité d’exister face à Bercy, ce qui suppose un poids politique fort, des réseaux et des relais parmi les élus.
Les locataires de l’avenue de Ségur doivent composer avec la toute-puissance de Bruno Le Maire, immuable
David contre Goliath
Depuis 2017, les locataires de Ségur doivent en effet composer avec la toute-puissance de Bruno Le Maire, fidèle au poste depuis le début du premier quinquennat Macron. Chaque automne, le vote du budget de la Sécurité sociale (PLFSS) au Parlement les oblige à bander les muscles pour obtenir des arbitrages favorables au secteur sanitaire et médico-social. La sortie du Covid a marqué la fin du « quoi qu’il en coûte » et des milliards d’euros pleuvant avenue Duquesne dans la foulée des accords du Ségur. Depuis, c’est au fil des crises que le gouvernement concède des enveloppes et rallonges supplémentaires pour tenter de cautériser les plaies ouvertes à l’hôpital, dans les Ehpad et dans les déserts médicaux. Mais rares sont les ministres de la Santé qui arrivent à se tailler la part du lion et à s’imposer par eux-mêmes face à Bercy, Matignon et l’Élysée.
Certains, a fortiori issus de la société civile, sont sortis de cette expérience rincés ou écœurés par les lenteurs et les obstacles de la bureaucratie et de la technocratie. C’est le cas de François Braun, qui s’est accroché à son poste un an. Ce dernier, pourtant, avait le profil de l’emploi en sa qualité d’urgentiste. Car la nécessité d’incarner politiquement le portefeuille de la santé va de pair avec l’impératif de bien connaître les arcanes du monde hospitalier et libéral, où les dossiers ultra-techniques autant que les problèmes structurels s’empilent depuis des années, sans compter l’existence de puissants lobbies à tous les étages.
Le cumul de ces facteurs complique la donne à chaque nouveau casting. C’est aussi pour ces raisons que les candidats ne se bousculent pas au portillon de Ségur. Avec des prétendants à la fonction qui sont peu ou prou toujours les mêmes… Au final, l’espérance de vie au ministère de la Santé dépend davantage de l’agenda politique d’Emmanuel Macron et de la nécessité de composer avec les sensibilités de sa majorité que des compétences de son ministre ou de la capacité de ce dernier à incarner cette fonction si compliquée.
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