Quelles questions poser aux candidats pour que la médecine générale et les soins primaires entrent en campagne ? « Comment les habitants de ce pays seront-ils soignés demain ? » Faut-il limiter la liberté d’installation dans les zones surmédicalisées pour les généralistes ? Nous avons été nombreux à penser que cet amendement (Conventionnement sélectif des médecins libéraux) de circonstance n’aurait rien changé… Mais alors, que proposer ? On a l’impression que tout le monde se fout de la désertification médicale dans certains territoires… L’on ne voit aucune solution émerger…
Usagers et médecins ne sont pas du même avis
Concernant les déserts médicaux, deux opinions divergentes s’opposent. Celle des usagers (le CISS) et des Collectivités locales, qui proposent une « carte sanitaire » où les postes de soignants manquants sont à pourvoir à la charge de l’Etat et des Collectivités locales. Celle de certains lobbies médicaux et de l’Ordre des Médecins, qui ne souhaitent pas que l’Etat intervienne (liberté d’installation pour des professions libérales). Il doit, à mon avis, exister des solutions intermédiaires qui contentent tout le monde : l’Union Collégiale propose un statut de « charge médicale » statut de « médecin territorial » à côté de « soignants libéraux » qui seront, de toute façon, amenés à travailler ensemble…
Pour ma part, je pense que l’instauration de « SCIC territoriale » devrait être explorée. SCIC = « Société Coopérative d’Intérêt Collectif » : il s’agit de sociétés où les adhérents ont tous une voix aux assemblées délibératives et où des partenaires tels que Collectivités locales, patients ou associations de patients, ARS, caisses d’assurance-maladie, mutuelles, soignants : hôpital, clinique, EHPAD, maisons de retraite, voire aussi entreprises locales… peuvent adhérer et soutenir. Cette possibilité permettrait de rassembler les acteurs de santé tout en respectant leur volonté d’exercer en libéral ou en tant que salarié de la SCIC. Cette proposition va dans le sens de l’association VCTB qui œuvre pour rapprocher soignants et soignés, soignants entre eux et ville et hôpital.
Je suis un vieux (eh, oui, n’ayons pas peur des mots !!) médecin généraliste à la retraite, mais qui continue à exercer car il ne trouve toujours pas de successeur… Je réfléchis depuis plusieurs années à ce problème de désertification médicale : il est évident qu’il est d’origine politique, c’est-à-dire qu’à une certaine époque, des décisions politiques ont été prises au plus haut niveau (ministères successifs de la Santé, CNAM…)… ou plutôt que des décisions n’ont pas voulu être prises. Il est évident que nous les médecins, tout occupés que nous sommes à soigner nos patients, n’avons pas su anticiper et intervenir… Il s’agit maintenant de trouver des solutions « pour une médecine de proximité »…
J’ai soulevé le problème, localement, par le biais de notre association VCTB, et avec le soutien de la population : nous avons lancé une campagne « non aux déserts médicaux, oui à une médecine de proximité » mais les solutions qui nous ont été proposées (site internet, vidéo…) sont, constatons-le, inopérantes.
Alors, que proposer concrètement ? Trois propositions qui se complètent et à mener de façon concomitante, auxquelles je demande à chacun de réfléchir et de me soumettre ses réflexions :
La piste coopérative est à explorer
1ère proposition : celle, pour les soignants et les soignés, de se regrouper au sein de SCIC (= Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif). Il s’agit de Sociétés indépendantes (vivant des services qu’elles rendent, comme, actuellement, les cabinets médicaux isolés ou en groupe… ), mais qui peuvent être soutenues par l’ARS, par les Collectivités locales, par des industriels locaux, par des associations de patients… L’indépendance financière mise à part, ces SCIC fonctionnent comme des associations loi 1901 et chaque adhérent à droit à une voix lors des assemblées décisionnelles. Les adhérents peuvent élaborer des stratégies de soins, de prévention-santé et les mettre en place ensemble (ETP, repas-rencontre entre soignants, formations des soignants, vie associative…). La liberté du mode d’exercice est préservée puisque les adhérents peuvent exercer dans leur propre cabinet, isolément ou en groupe, sous le mode libéral ou sous le mode salarié, ou encore un mix des deux… Il s’agit de s’organiser pour une mise en œuvre territoriale de santé publique, mais qui n’a rien d’obligatoire, même s’il devra exister des mesures incitatives de la part des financeurs.
Une petite dose d’obligation
La 2ème proposition résulte d’un constat de politique territoriale bien connu du ministère de la Santé qui a défini des critères permettant de classer la France et tous ses territoires en 3 classes : zones sous-médicalisées, zones normo-médicalisées et zones surmédicalisées. Il est à constater que tous les pays sont confrontés à des différences territoriales, entre zones économiquement plus attirantes (grandes villes, zones peuplées et bien équipées, touristiques : bords de mer ou de fleuves…) et zones économiquement moins attirantes (campagne profonde, zones montagneuses, déserts industriels… ). Mais l’Etat est responsable d’une égalité d’accès aux soins. Cette 2ème proposition, qui est une démarche citoyenne, s’adresse, donc, à l’Etat et au ministère de la Santé : à l’instar de ce qui se fait pour l’Education Nationale, doivent être mises en place des incitations et des obligations pour lutter contre les déserts médicaux.
Quoi ? Quoi ? des obligations ? Ben oui, quand on veut faire des études en médecine, on est bien obligé d’aller dans des grandes villes, on est bien obligé de passer par des Hôpitaux universitaires et d’y faire des stages… Eh bien, on pourrait obliger que des stages chez le praticien soient effectués et rémunérés dans des structures territoriales (lire les conclusions de l’AMR47, rencontre sur les déserts médicaux du samedi 05/11/2016 : Association des Maires Ruraux du Lot et Garonne, Mairie, 5 av. Robert Philippot, 47130 St LAURENT ). Et on pourrait obliger que les 2 ou 3 premières années d’exercice de la médecine soient consacrées à venir en aide à des praticiens exerçant dans des zones désertifiées. Ces 2 ou 3 premières années seraient considérées comme complément de formation, notamment à la relation médecin malade (puisque, c’est bien connu, la médecine générale, c’est 80% de relationnel) et comme un service civique, rémunéré à sa juste valeur… Pour financer ces dispositions, on pourrait plafonner des revenus médicaux, de hauts revenus industriels ou de joueurs de foot-ball… Pour rappel : c’est l’Académie de Médecine qui a conclu, en avril 2016, que la médecine de l’avenir passe par la Médecine Générale.
Une démarche spectaculaire à organiser
Enfin, 3ème proposition : montrons aux pouvoirs publics notre détermination à faire disparaître ces déserts médicaux, organisons une démarche spectaculaire (à définir ensemble : elle devra être visible et médiatisée), soutenue par l’Ordre des Médecins, les syndicats médicaux, par la population, par les élus locaux, avec des objectifs précis, à une date bien choisie de façon à obtenir une couverture médiatique et à faire bouger les choses.
Ouh là, j’ai un peu l’impression de me retrouver, sein à l’air et drapeau au poing, dans la peau de « La République guidant le peuple » du tableau de Delacroix !!! ? Bon, ben, j’assume et j’invite tous ceux qui sentent comme moi qu’il s’agit d’un combat citoyen, à me contacter pour décider de ce que nous pourrons organiser : je propose la création d’un Comité de Pilotage associatif indépendant, pour permettre à toutes les sensibilités politiques ou syndicales à se retrouver sur de mêmes objectifs. On peut me contacter (cazeils.fr@free.fr) (si c’est par téléphone, plutôt le soir ou aux heures de repas).
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