L’INCIDENCE DU CANCER du pancréas (adénocarcinome) connait une augmentation continue, lente mais indiscutable. Selon les dernières données du PMSI (programme de médicalisation des systèmes d’information), le nombre de nouveaux cas était de 11 600 en 2010 et de 12 500 en 2012, et sa prévalence est passée dans le même temps de 17 500 cas à 19 000 cas. Le nombre de décès annuels imputables au cancer du pancréas est de 7 000 à 8 000. Le sex ratio est proche de 1 (52 % d’ hommes pour 48 % de femmes) et l’âge moyen au diagnostic est de 65 à 70 ans.
Trois facteurs de risque sont reconnus : le tabagisme, qui serait responsable d’environ un tiers des adénocarcinomes, le diabète et les facteurs familiaux, des antécédents étant trouvés dans 5% des cas. Il faut dans ce contexte distinguer les formes non syndromiques des formes syndromiques, notamment des formes familiales avec des mutations de gènes associés au cancer du sein et de l’ovaire (gène BRCA2), au mélanome (gène FAMMM) ou la polypose colique. « Il est essentiel de bien chercher les antécédents familiaux dont la présence doit conduire à une enquête génétique », précise le Pr Philippe Lévy.
Lors du diagnostic, il s’agit d’un adénocarcinome métastatique d’emblée dans près de 60 % des cas, d’une forme localement évoluée dans 30 % des cas et seules 10 % des tumeurs sont résécables.
Si le pronostic de l’adénocarcinome pancréatique ne s’est pas amélioré de façon spectaculaire, de réels progrès ont été réalisés dans plusieurs domaines, ce qui a permis de faire passer la survie globale de 4 à 12 mois dans les formes non opérables.
La chimiothérapie.
Ces progrès concernent tout d’abord la chimiothérapie, qui s’est pendant plusieurs années fondée sur le recours à la gemcitabine seule, premier traitement ayant monté une efficacité en 1996. Puis, en 2012, une deuxième chimiothérapie a démontré son intérêt : association 5 fluoro-uracile, irinotécan et oxaliplatine (protocole FOLFIRINOX). Enfin, cette année, a vu émerger une troisième chimiothérapie associant gemcitabine et Abraxane.
Les progrès portent également sur la possible personnalisation du traitement selon que le patient exprime ou non le transporteur de la gemcitabine hENT1 ( equilibrative nucleoside transporter 1 ). S’il n’est que peu exprimé, la gemcitabine ne sera a priori pas efficace.
Dans les formes localement évoluées, la chimiothérapie néoadjuvante peut permettre de rendre résécable une tumeur qui ne l’est initialement pas. L’association gemcitabine-oxaliplatine a démontré son intérêt dans ce contexte, tandis que les deux protocoles plus récents sont en cours d’évaluation.
La chirurgie pancréatique bénéficie d’une meilleure sélection des patients. Les progrès de l’imagerie -scanner et dans un futur très proche IRM de diffusion- permettent de détecter des micrométastases hépatiques et donc de n’adresser au chirurgien que les patients susceptibles d’avoir une chirurgie microscopiquement complète. Par ailleurs, après chimiothérapie néoadjuvante, seuls les patients ayant une tumeur bien contrôlée peuvent avoir une indication chirurgicale.
Les avancées en anesthésie –réanimation ont permis de réduire la mortalité qui est passée de 10 à15 % à 3%. « Les études ont clairement démontré l’importance d’une prise en charge des patients dans un centre expert, avec une mortalité diminuée par quatre comparativement aux centres à faible débit de malades, souligne le Pr Lévy. Il ne s’agit pas de la seule expérience du chirurgien, mais bien d’un environnement global, avec notamment la prise de décision en réunion de concertation pluridisciplinaire ».
En cas d’obstruction biliaire ou duodénale, la chirurgie palliative a quasiment disparu au profit de traitements par voie endoscopique. La pose de prothèse métallique s’accompagne d’une augmentation de la survie dans les tumeurs évoluées.
La qualité de la prise en charge de la douleur, indispensable, a également un impact démontré sur la survie. « Enfin, la prise en charge psychologique des patients permet d’aborder clairement le diagnostic et la question du pronostic, la vérité étant plus facile à supporter à terme que l’incertitude », conclut le Pr Lévy.
D’après un entretien avec le Pr Philippe Lévy, service de gastro-entérologie pancréatologie, hôpital Beaujon, Clichy.
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