L’OBÉSITÉ ET SON CORTÈGE de maladies métaboliques associées devraient concerner plus de 700 millions de personnes dans le monde en 2015. Et l’on est encore parfaitement démuni face à cette maladie complexe liée à la génétique et l’environnement. « Des pistes originales, sans application possible des progrès de la recherche à l’Homme, et l’on constate même un désengagement de l’industrie… », regrette le Pr Clément. Grâce au séquençage possible du microbiote humain, au microbiome intestinal, y compris anaérobie, la flore intestinale, cet organe à l’interface de la biologie et de l’environnement a été finement analysé. Et cette exploration profite à l’obésité certes, mais à d’autres maladies, auto-immunes notamment, qui ont en commun d’être de plus en plus fréquentes.
Plus ou moins diversifiés.
Une première étude menée par le consortium international MetaHIT (METAgenomics of the Human Intestinal Tract) a montré que des individus, par nature inégaux génétiquement, sont aussi caractérisés par un microbiome différent, fonction de la richesse des bactéries qu’ils abritent et de leur diversité. Certains sont pauvres, d’autres riches en bactéries et c’est parmi les “moins diversifiés“ que l’on retrouve le plus de personnes obèses (80 %). Ce sont eux encore (les moins diversifiés) qui sont les plus à risque de maladies cardiométaboliques (diabète de type 2, troubles lipidiques, augmentation de l’inflammation, etc.). Huit espèces bactériennes ont été plus précisément identifiées qui joueraient un rôle protecteur contre la prise de poids, déficitaires chez les personnes obèses.
Signature.
D’après la seconde étude MicroObes (Microbiome intestinal humain dans l’obésité et la transition nutritionnelle), l’on pourrait déterminer à quel type de communauté un patient appartient, avec une précision de 95 %, sur six espèces seulement, représentatives de la richesse du microbiote entier. « Il semble que l’on puisse corriger en partie les flores déficitaires, indique le Pr Clément, en soumettant les individus à un régime alimentaire enrichi en fibres, protéines et aliments qui n’élèvent pas la glycémie ». Sur un temps court, 12 semaines, l’on constate une augmentation de la richesse des communautés bactériennes intestinales initialement pauvres, corrélée à une perte de poids, du tissu graisseux, des modifications (dans le bon sens) des paramètres métaboliques et inflammatoires. Toutefois, les personnes dont la flore initiale est déficitaire sont moins bien améliorées.
Programme Metacardis.
Autre indication de l’influence indéniable de la flore intestinale sur le métabolisme, les résultats de l’étude publiée dans Science en septembre dernier (J. Gordon) où des selles de jumeaux discordants pour l’indice de masse corporelle (un obèse, un mince) avaient été transplantées sur des animaux sans flore. Seuls les animaux ayant reçu la flore du jumeau obèse grossissent exagérément !
Plus pratiquement, et c’est ce à quoi travaillent les chercheurs du programme Metacardis (Metagenomics in Cardiometabolic Diseases, http://www.metacardis.eu), coordonné par le Pr Clément, sur 2 000 personnes en Europe, il s’agit maintenant d’identifier une signature de flore intestinale, éventuellement aux différents stades d’évolution de la maladie cardiométabolique, qui permette de détecter précocement une altération du microbiote, pour des recommandations nutritionnelles adaptées.
* Emmanuelle Le Chatelier et al. Richness of human gut microbiome correlates with metabolic markers. Nature, 29 août 2013. DOI : 10.1038/nature12506 ; Aurélie Cotillard et al. Dietary intervention impact on gut microbial gene richness. Nature, 29 août 2013. DOI : 10.1038/nature12480
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