PENDANT de nombreuses années, l’hystérectomie en France a été dans les mains des chirurgiens digestifs, elle était totale. « Les chirurgiens qui pratiquaient l’hystérectomie subtotale, indique le Pr Patrick Madelenat (Paris), étaient considérés comme de mauvais chirurgiens car le temps opératoire important et éventuellement difficile était la cervicectomie ». L’abord cœlioscopique, par lequel seule l’hystérectomie subtotale est possible, aurait dû modifier les pratiques et l’hystérectomie par laparotomie devrait être rare. Or, s’étonne le Pr Madalenat, « la chirurgie cœlioscopique pour hystérectomie occupe en France une faible place (5 %) par rapport aux autres pays d’Europe, 39 % des hystérectomies en France étant encore effectuées par laparotomie. C’est beaucoup trop. Par contre, poursuit-il, je suis satisfait de voir la chirurgie vaginale prendre une place intéressante ».
Aujourd’hui encore, la controverse est entretenue entre les partisans de l’hystérectomie totale et ceux de la subtotale.
Pour ou contre. Les défenseurs de la cervicectomie systématique agitent l’épouvantail que représenterait le cancer du col restant. Cet argument, selon le Pr Madelenat, n’est plus d’actualité car « fort heureusement, le dépistage cervical utérin a fait des progrès ces dernières années et on ne passe pas aujourd’hui (hormis chez les populations qui ne veulent pas se faire suivre) à côté d’un cancer du col restant ». Si une femme multipare subit une hystérectomie subtotale, que les cytologies du col des trois dernières années sont négatives, son risque d’avoir un cancer sur col restant dans les années suivantes est de 1 à 2/10 000. Il faudrait donc enlever 9 998 cols pour prévenir 2 cancers du col.
Les partisans de l’hystérectomie totale mettent aussi en avant les saignements, cycliques ou non, qui seraient présents dans 10 à 25 % des interventions conservant le col. Le risque de réintervention lié à cette situation serait d’environ 7 %. En outre, de nombreuses publications démontrent la persistance de symptômes algiques non négligeables dans un contexte d’endométriose.
Au contraire, les défenseurs de la conservation cervicale arguent du fait que l’intervention serait plus sûre en termes de morbidité urétérale, moins hémorragique et plus rapide. Certains avancent également que la sexualité serait améliorée après hystérectomie subtotale, point de vue qui est loin d’être consensuel. Pas de consensus également pour ce qui est de la meilleure préservation des fonctions pelviennes urinaires et digestives.
« Aujourd’hui, déclare le Pr Madelenat, personne ne peut raisonnablement soutenir qu’il existe des raisons objectives à enlever le col ou à le conserver, que l’on considère les paramètres opératoires, la morbidité et les complications chirurgicales ainsi que les fonctionnalités pelviennes. Mais les travaux sur lesquels s’appuie ce constat d’égalité concernent presque uniquement la pratique laparotomique ». La tendance est en effet de pratiquer l’hystérectomie par une voie de moindre contrainte. Les travaux comparatifs publiés ces vingt dernières années, n’apportent aucune preuve évidente de la supériorité d’une approche sur l’autre, cœlioscopique ou vaginaliste.
Technologie.
Quoi qu’il en soit, on constate depuis quelques années un regain d’intérêt pour l’hystérectomie subtotale menée par voie cœlioscopique. La simplification du rituel opératoire liée au maintien du col in situ en est sûrement une raison essentielle. Mais l’apparition récente de nouveaux matériels facilitant le geste opératoire et réduisant sa durée est aussi à considérer dans cette évolution. Cependant, l’évolution technologique ne suffit pas à mettre cette méthode au goût du jour. « Il est clair, souligne le Pr Madelenat, que si l’on engage avec la future opérée une discussion claire et explicative sur la notion de conservation du col ou non, elle choisira la première solution, la conservation du col semblant pour de nombreuses femmes une solution de plus faible agression à leur intégrité corporelle ».
En résumé, les arguments pour la cœlioscopie et la conservation du col sont : la réduction du saignement, la diminution du risque traumatique urétéral ou vésical, des suites opératoires souvent moins douloureuses, une durée d’hospitalisation réduite. Mais ces arguments sont à la limite de la significativité. Les arguments contre sont : la durée opératoire plus longue, l’élévation du coût de l’intervention, l’apparition de nouvelles complications liées à la morcellation.
« Il faut, conclut le Pr Madelenat, garder le col dans certains cas, lorsqu’il y a risque viscéral à la cervicectomie, en cas de promontofixation et selon la volonté affirmée de la patiente. Il faut enlever le col en cas de pathologie dysplasique actuelle ou dans les antécédents, en cas d’impossibilité de surveillance cytologique, de terrain à risque sexuel, d’immunodéficience et d’endométriose rétrocervicale. Mais la principale raison est la volonté affirmée de la patiente. L’hystérectomie subtotale doit être proposée aux patientes dans les conditions où il est légitime de la proposer en tenant compte de la faible agression à leur intégrité corporelle ».
D’après la communication du Pr Patrick Madelenat
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