Dernière en date des pathologies bénéficiant d’une nouvelle approche thérapeutique : le prurigo nodulaire, qui pèse lourdement sur la qualité de vie des patients, en raison du prurit intense qu’il induit et du caractère affichant des lésions. Pendant longtemps, patients et médecins étaient quelque peu découragés face à cette pathologie, qui ne disposait pas de traitement efficace et reste marquée par une errance diagnostique et thérapeutique. Depuis le consensus international de 2020, qui le plaçait en 4e ligne de traitement, le dupilumab a fait la preuve de son efficacité dans deux études pivots, Prime 1 et 2, qui ont souligné ses bénéfices à 24 semaines sur le prurit et sur le nombre de lésions. « Il faut savoir attendre six mois pour observer la pleine efficacité du traitement, prévient la Pr Delphine Staumont-Sallé (Lille). Il améliore le prurit chez 60 % des patients, et fait disparaître les lésions dans la moitié des cas. »
Il faut savoir attendre six mois pour observer la pleine efficacité du traitement
Pr Delphine Staumont-Sallé (Lille)
La sécurité d’emploi est bonne ; notamment, le risque de conjonctivite apparaît bien moindre que lors de l’utilisation de cette biothérapie dans la dermatite atopique, même s’il faut rester prudent compte tenu du recul limité.
Le dupilumab a eu, en 2024, une autorisation de mise sur le marché « en traitement systémique de première intention du prurigo nodulaire modéré à sévère de l’adulte qui nécessite un traitement systémique », avec une amélioration du service médical de niveau 3. Il est désormais accessible et remboursé, et devrait trouver une place de première intention dans les prochaines recommandations.
Au-delà de son bénéfice majeur sur la prise en charge thérapeutique, l’arrivée du dupilumab a aussi donné un coup de projecteur sur cette dermatose inflammatoire chronique, à la physiopathologie et à l’épidémiologie mal connues, et qui pose toujours des problèmes diagnostiques en raison de son hétérogénéité clinique.
Il a aussi ouvert la voie à d’autres biothérapies. De nombreuses molécules sont en développement voire déjà accessibles dans certains pays, ce qui est le cas du nemolizumab, un anti-IL31 autorisé depuis l’été 2024 aux États-Unis. Un dossier d’AMM a été déposé en Europe, il pourrait venir élargir l’arsenal thérapeutique en 2026.
Rituximab dans le pemphigus
Deuxième grande révolution thérapeutique de ces dernières années, celle apportée par le rituximab dans une maladie auto-immune grave, le pemphigus. Les premières études, menées dans les années 2006-2007 avec ce traitement ciblé inhibant les CD20, avaient conduit à le proposer dans les formes sévères de pemphigus et chez les patients ayant une contre-indication aux corticoïdes systémiques. Depuis, il a peu à peu été utilisé de façon précoce en première ligne, en association aux corticoïdes par voie générale, ce qui a permis leur décroissance très rapide et une réduction par un facteur trois de leur dose cumulée.
Trois fois moins de corticoïdes
Ainsi, en quelques années, l’association du rituximab à une corticothérapie générale, à dose initiale réduite et à durée très limitée, est devenue le traitement de référence du pemphigus. Une évolution majeure, récemment complétée par la démonstration de l’efficacité à long terme du traitement qui, dans l’étude Ritux 3 a été associé, chez 65 % des patients, à une rémission prolongée, avec un recul moyen de sept ans après le traitement initial. À l’inverse, les données récentes confirment qu’il est beaucoup moins efficace lorsqu’il est utilisé en deuxième ligne, après l’échec d’une première ligne de traitement.
« Les mécanismes à l’origine de ces rémissions prolongées ne sont pas encore bien élucidés, rapporte le Pr Pascal Joly (Rouen). Contrairement à ce qui était présumé jusqu’alors, ces rémissions complètes ne sont pas dues à la disparition des lymphocytes B réactifs, qui restent détectables à des taux quasi-identiques à ceux observés au début de la maladie. » Elles pourraient être plutôt expliquées par une inversion du ratio des lymphocytes B naïfs/B mémoires, qui semble même s’amplifier avec le temps. Autre mécanisme possible, l’émergence d’une population de lymphocytes T folliculaires régulateurs de desmogléine.
La prochaine étape est l’évaluation, dans le cadre d’un PHRC, du rituximab en traitement d’entretien chez les patients à haut risque de rechute, risque qui se montre identifiable par des seuils d’anticorps anti-Dsg. L’étude prospective Ritux 4 vise ainsi à valider une stratégie de traitement personnalisée fondée sur des seuils d’Ac anti-Dsg.
Psoriasis et traitements biologiques
Dans le psoriasis également, les traitements biologiques ont révolutionné la maladie, et par là même la vie des patients. Des anti-TNF alpha et anti-IL12 aux anti-IL17 et anti-IL23, ces traitements ont fait la preuve, depuis une vingtaine d’années, de leur efficacité, permettant une réponse durable et stable. En parallèle, les objectifs du traitement ont évolué au cours du temps. On est en effet passé du Pasi 50 avant 2004, au Pasi 75 entre 2004 et 2008, puis au Pasi 90 et 100 de 2015 à 2017. Au-delà du contrôle de la maladie, l’objectif est désormais d’agir aussi sur les comorbidités, telles que le rhumatisme psoriasique. « Le patient doit être traité dans sa globalité, pour le psoriasis mais aussi pour sa santé et son bien-être global », résume le Pr Denis Jullien (Lyon).
Gérer les résistances au traitement dans le mélanome
Avant 2010, la survie médiane des patients avec un mélanome métastatique était de six à huit mois ; moins de 10 % des patients étaient en vie cinq ans après le diagnostic.
Avec l’avènement des thérapies ciblées, puis des immunothérapies, la survie spécifique de ces cancers cutanés est désormais de 45 à 52 % à dix ans, au prix d’une toxicité importante. « Nous n’en sommes qu’à la moitié du chemin, le talon d’Achille de ces traitements étant la survenue de résistances », souligne la Pr Caroline Robert (Villejuif). Des récidives tardives peuvent survenir après de longues rémissions sous immunothérapie. L’enjeu est désormais de détecter et de cibler la persistance tumorale silencieuse.
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