Le prurit chez le sujet âgé

Par
Publié le 20/02/2025
Article réservé aux abonnés

Gale, maladie bulleuse auto-immune, médicaments : le prurit du sujet âgé peut relever de différentes causes, générales et dermatologiques.

La mortalité peut atteindre 40 %

La mortalité peut atteindre 40 %
Crédit photo : GARO/PHANIE

Symptôme fréquent chez le sujet âgé, le prurit peut être simplement la conséquence de la xérose cutanée (prurit qualifié de sénile) qui caractérise le vieillissement intrinsèque de la peau, ou chronovieillissement, également marqué par une laxité cutanée et diverses lésions bénignes, telles que les kératoses séborrhéiques, les angiomes rubis ou encore le purpura sénile de Batman, conséquence de la fragilité vasculaire. Il relève alors de mesures générales : recours aux émollients, toilette à l’eau tiède avec syndet, port de vêtements en coton, et ongles courts.

Il est aussi fréquemment en lien avec une prise médicamenteuse (antihypertenseurs, statines, hypoglycémiants par voie orale, psychotropes antiarythmiques…), mais il s’agit alors d’un diagnostic d’exclusion.

La gale en augmentation

Mais le prurit peut relever de très nombreuses causes, générales ou dermatologiques, qu’il faut savoir évoquer. Chez le sujet âgé, en particulier institutionnalisé, l’examen clinique doit ainsi toujours rechercher des signes évocateurs de la gale, dont l’incidence est en forte augmentation en France et qui peut être à l’origine d’épidémies en Ehpad. Elle se manifeste par un prurit nocturne intense, respectant le visage et, dans les formes typiques des sillons, avec possibilité de vésicules, nodules, lésions de grattage et un aspect volontiers hyperkératosique, au niveau des espaces interdigitaux, des faces antérieures des poignets, des zones axillaires, des aréoles et des organes génitaux externes.

Il est d’autant plus important de reconnaître ce diagnostic, car il ne faut surtout pas appliquer de dermocorticoïdes et proposer un traitement adapté (répété à J0, J7 et J14 en cas de gale hyperkératosique) associé à des mesures environnementales drastiques et d’isolement strict.

Redoutable pemphigoïde bulleuse

Autre pathologie à évoquer face à un prurit intense chez un sujet âgé : une maladie bulleuse auto-immune. Chez un sujet se plaignant d’un prurit et présentant une éruption bulleuse, urticarienne, ou eczématiforme ne guérissant pas spontanément en quelques jours, le diagnostic de pemphigoïde bulleuse — maladie bulleuse auto-immune la plus fréquente — doit être évoqué, et le patient adressé à un dermatologue, comme l’a rappelé le Protocole national de diagnostic et de soins sur la pemphigoïde bulleuse, publié en 2020. Une hyperéosinophilie, qui peut parfois être très marquée, est un paramètre biologique très évocateur. C’est la biopsie cutanée qui confirme le diagnostic.

Une mortalité de 40 % à un an

Dans 40 % des cas, la pemphigoïde bulleuse est associée à une maladie neurodégénérative, telle qu’un syndrome parkinsonien ou démentiel ou à un accident vasculaire cérébral, selon une chronologie variable au cours de l’évolution. Elle est souvent considérée à tort comme bénigne, alors qu’elle est grevée d’une mortalité de 30 % à six mois et de 40 % à douze mois. Le terrain est bien sûr un facteur pronostique majeur.

Plusieurs options thérapeutiques

Dans sa forme multibulleuse (plus de 10 bulles/jour), le traitement de première intention fait classiquement appel à une corticothérapie locale forte (30 à 40 g/jour pendant quinze jours, suivis d’une décroissance sur plusieurs mois). Il s’agit toutefois d’une stratégie iatrogène, et d’autres options sont aujourd’hui proposées : corticothérapie locale forte (10 à 30 g/jour, à sevrer sur trois mois) associée à du méthotrexate d’emblée pendant neuf mois, stratégie qui ne peut être proposée qu’aux patients en bon état général avec des fonctions cognitives intactes, ou corticothérapie locale moyenne associée à la doxycycline (200 mg/jour), option moins efficace mais moins iatrogène. Dans les formes paucibulleuses, les doses de corticoïdes locaux sont moindres ; une quatrièmeoption, fondée sur une corticothérapie générale (0,5 mg/kg) à sevrer progressivement sur quatre à six mois peut aussi être proposée.

En cas d’échec, l’ajout d’omalizumab a fait la preuve de son efficacité dans une série rétrospective française ayant inclus une centaine de patients. Le taux de rémission complète était de 77 %, avec une efficacité rapide, peu de rechutes et une tolérance bonne (quatre effets indésirables, dont un grave à type de paralysie du III).

L’ajout de dupilumab est une autre voie prometteuse, avec pour l’instant des résultats intéressants lors de l’analyse intermédiaire de l’étude randomisée versus placebo, Liberty BP Adept.

Communications des Drs Juliette Delaunay (Angers) et Marina Alexandre (Bobigny)


Source : Le Quotidien du Médecin