Parmi les erreurs courantes, aux conséquences pas si anodines, figure en premier lieu celle de ne pas expliquer au patient que le traitement doit être pris à jeun, trente minutes avant un repas. Cela expose à un risque d’efficacité antisécrétoire moindre, les IPP se fixant sur les pompes à protons activées en période postprandiale.
Ne pas se fier qu’au test
D’autre part, s’appuyer sur un test aux IPP pour poser le diagnostic de RGO n’est pas valide, compte tenu de la faible spécificité (faux positifs liés à l’effet placebo) et sensibilité (patients avec RGO réfractaire) de ce test par rapport aux performances de l’endoscopie et surtout de la pHmétrie. Ainsi, il n’est probablement pas utile d’augmenter les doses et de prolonger indéfiniment le traitement pour espérer soulager les patients. Il est préférable de réaliser les examens complémentaires (endoscopie, pHmétrie ou pH-impédancemétrie) : ils établiront que seulement deux tiers des patients réfractaires ont vraiment un RGO.
Attention aux arrêts de traitement
Concernant les supposés effets secondaires des IPP, le Dr Bredenoord (1) a mis en garde contre l’arrêt de ces traitements - qui par ailleurs apporteraient un soulagement important au patient - pour de mauvaises raisons. De nombreux effets secondaires attribuables aux IPP ont été rapportés tels que des démences, des accidents cardiovasculaires, des pathologies rénales, de l’ostéoporose, une interaction avec le clopidogrel. Dans ces études, dont pratiquement aucune n’a été réalisée dans le but de démontrer un effet des IPP, les odds ratios sont faibles (entre 1 et 3), et ne permettent pas d’établir de lien de causalité. De plus, les patients sous IPP font partie des plus fragiles et des plus à risque de développer ces pathologies. C’est donc un biais majeur dont il faut tenir compte. Ceci a été rappelé dans les recommandations américaines parues en 2017.
L’étude randomisée Compass (2) a suivi pendant trois ans plus de 53 000 patients-années sous aspirine ou anticoagulants recevant soit du pantoprazole, soit un placebo. Aucun effet secondaire significatif n’a été mis en évidence, à l’exception de la confirmation d’un risque plus élevé d’infection intestinale. Le second effet secondaire clairement attribuable aux IPP à ne pas ignorer est l’hypomagnésémie. Rare (<0,01%), elle peut être grave, avec de possibles effets neurologiques et cardiaques. Enfin, si les IPP augmentent d’un facteur 4 à 5 le risque de polypes glandulokystiques fundiques, il n’est pas nécessaire d’interrompre le traitement, ces polypes étant totalement bénins et n’exposant à aucun risque de dégénérescence.
En somme, les IPP sont des traitements sûrs et efficaces, mais ils doivent être prescrits correctement, à la dose minimale efficace, en particulier en cas de RGO où les schémas de traitement « à la demande » sont parfaitement validés.
(1) Bredenoord A., UEGW 2021, Abstr IP008
(2) Moayyedi P. et al. Gastroenterology. 2019 Sep;157(3):682-691.e2
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