Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est une pathologie très fréquente dont le diagnostic est le plus souvent clinique, devant des signes typiques comme le pyrosis et les régurgitations acides. Un traitement de première intention par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) peut être prescrit sans investigation complémentaire, sauf chez les personnes de plus de 50 ans ou en présence de signes d’alarme (dysphagie, anémie...). En cas de manifestations atypiques isolées (ORL, respiratoires), le recours à des explorations complémentaires (endoscopie, pHmétrie) est indispensable pour établir le diagnostic. Par contre, la réponse à un traitement d’épreuve par IPP ne prouve pas qu’un RGO soit en cause, un effet placebo étant possible.
En cas d’échec aux IPP
Si la réponse au traitement (simple ou double dose d’IPP pendant huit semaines) est absente ou incomplète, il est essentiel de reprendre entièrement la démarche diagnostique et de documenter la présence d’un authentique RGO. La première cause d’échec des IPP dans le RGO est tout simplement l’absence de RGO. Deux situations se présentent alors en fonction de la preuve, ou non, de la présence d’un RGO. Si le RGO n’a jamais été prouvé, le traitement doit être stoppé. Des explorations « démaquillées » (sans traitement) pourront alors démontrer la présence d’un RGO en cas d’œsophagite modérée à sévère (grade C/D), de sténose peptique, d’œsophage de Barrett ou d’exposition acide totale supérieure à 6 % en pHmétrie. Cette pHmétrie peut être réalisée avec une sonde, introduite par le nez dans l’œsophage, permettant des enregistrements de 24 heures. La pHmétrie sans fil, par l’intermédiaire d’une capsule fixée à la paroi œsophagienne, est plus performante. Elle permet des enregistrements de 96 heures et augmente ainsi la sensibilité de l’examen, compte tenu de la variabilité des symptômes d’un jour à l’autre. Ces capsules ne sont pas remboursées en France.
Lorsque le RGO a été prouvé antérieurement, la résistance au traitement témoigne de symptômes réfractaires, dont il faut montrer le lien avec la persistance d’un reflux acide (ou non acide) en dépit du recours aux IPP. L’endoscopie peut montrer la persistance sous traitement d’une œsophagite modérée à sévère ou d’une sténose peptique. En cas d’endoscopie normale, l’examen clé est la pH-impédancemétrie sous IPP, qui détecte les reflux acides et non acides. L’examen documentera la persistance d’un reflux acide (exposition acide totale supérieure à 4 %), et/ou d’un nombre total d’épisodes de reflux acides et non acides supérieur à 80. Ces situations démontrent la présence d’un RGO réfractaire.
Par ailleurs, certains patients ressentent des symptômes fonctionnels sans rapport avec un RGO persistant. Ils doivent être identifiés car les conséquences sont majeures sur la prise en charge thérapeutique. En effet, il faut éviter chez ces patients les traitements invasifs (chirurgicaux). Il s’agit souvent de troubles fonctionnels œsophagiens (pyrosis, hypersensibilité au reflux) pouvant exister sous IPP, chez des patients qui avaient par ailleurs un authentique RGO sans traitement (syndrome de chevauchement).
Une prise en charge multiple
L’authentique RGO réfractaire est pris en charge à l’aide de mesures hygiéno-diététiques. Les seules à avoir fait leurs preuves sont la perte de poids, la surélévation de la tête du lit et un délai d’au moins trois heures entre le dîner et le coucher. De plus, l’optimisation du recours aux IPP est essentielle : prise du traitement 30 minutes avant le petit-déjeuner (et/ou le dîner), tests avec les différents IPP, doublement de la dose en deux prises. Il est possible d’ajouter aux IPP des antiacides, des alginates ou des protecteurs de la muqueuse. De nouveaux antisécrétoires plus efficaces que les IPP, les « PCABs » pour Potassium-competitive acid blockers, seront probablement disponibles en Europe dans les prochains mois.
Le RGO réfractaire est souvent la conséquence d’une barrière anti-reflux défaillante, comme en cas de hernie hiatale. Les patients présentent alors des régurgitations non acides persistantes, reflets de ce reflux volumique qui ne peut être contrôlé par les antisécrétoires. Ce sont de bons candidats à une chirurgie anti-reflux de type fundoplicature cœlioscopique, dont l’objectif est de restaurer une barrière anti-reflux efficace. Les données sur l’évaluation des fundoplicatures endoscopiques sont encourageantes. D’autres techniques existent, comme le sphincter magnétique mis en place chirurgicalement. Malgré de bons résultats à moyen terme, il est actuellement peu développé en France.
Dans d’autres cas, les manifestations fonctionnelles sont en lien avec une hypersensibilité œsophagienne, en particulier aux reflux non ou peu acides. Elles sont habituellement peu perçues par les patients. Bien sélectionnés sur la base d’une pH-impédancemétrie sous traitement avec étude de la concordance symptômes/reflux, les patients peuvent éventuellement bénéficier d’une prise en charge chirurgicale, comme démontré dans un récent essai randomisé américain (2). Néanmoins, ils relèvent le plus souvent de traitements modulateurs de la douleur, dont les antidépresseurs tricycliques ou les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine.
(1) Refractory GORD: Insights from new European Society of Neurogastroenterology and Motility (ESNM) and American Neurogastroenterology and Motility Society (ANMS) consensus report, UEGW 2021
(2) Spechler SJ et al. N Engl J Med 2019;381:1513-23.
Article précédent
Bien interpréter les tests hépatiques
Article suivant
Du budésonide dans l'œsophagite à éosinophiles
De multiples évolutions dans la dyspepsie
Bien interpréter les tests hépatiques
Reflux gastro-œsophagien réfractaire : comment réagir ?
Du budésonide dans l'œsophagite à éosinophiles
Un syndrome de rumination sous-diagnostiqué
IPP : des erreurs à éviter !
SMS du congrès UEGW
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?