Selon France Parkinson, la capacité des centres experts à remplir toutes leurs missions n’a jamais été évaluée depuis leur création en 2013. Un constat que partage le Dr Teodor Danaila, responsable du centre de Lyon : « En 2013, il y avait une enveloppe de deux à trois millions d’euros pour l’ensemble des centres, se souvient-il. Maintenant, chaque centre est censé recevoir chaque année 100 000 à 250 000 euros, en partie captés par les CHU pour couvrir des frais de fonctionnement. C’est une somme faible quand on sait que la maladie semble progresser chez les jeunes et que sa prévalence devrait doubler d’ici à 2040. »
Ces centres experts Parkinson, proposés en 2010 par les associations de patients, ont pour objectif de coordonner une prise en charge pluridisciplinaire et d’assurer les suivis complexes. En théorie, tout patient peut y demander une confirmation de diagnostic et être reçu rapidement.
Avec un tel financement qu’il qualifie de « modeste », le Dr Danaila estime que les centres ne peuvent tenir leurs engagements. « Dans les CHU de taille moyenne, les centres experts ne disposent que d’un seul médecin », explique-t-il. Dans le centre de Lyon qui concentre l’activité chirurgicale des centres de Dijon et de Besançon, trois médecins sont présents, tandis que l’absence d’ergothérapeute et d’assistante sociale se fait sentir.
« Pour les patients en attente de confirmation de diagnostic, le délai d’attente est de deux mois, témoigne le Dr Danaila. Pour les patients qui requièrent un traitement invasif, le temps d’attente est de six mois. Quant aux consultations de suivi après chirurgie, notre file active de 4 000 patients nous oblige à des délais d’un an ».
Des rapports qui restent lettres mortes
Chaque année, les centres experts transmettent leur rapport d’activité via une plateforme, sans garantie qu’ils soient lus au ministère de la Santé. « À la suite du rapport d’activité 2020 dans lequel nous indiquions que les équipes avaient été anéanties par la crise du Covid, nous avons reçu les mêmes demandes que l’année précédente, s’étonne le Dr Danaila. Il n’y a aucune évaluation, aucun retour, on est en pilotage automatique depuis 2013 ! »
De fait, le niveau d’activité des centres ne fait l’objet d’aucune étude. « En nous basant sur les données des constructeurs de dispositifs médicaux, on peut tout de même estimer que l’accès à des thérapies de seconde ligne comme la stimulation cérébrale profonde est très inégal sur le territoire, explique le Pr Marc Vérin, responsable du centre expert Parkinson Bretagne. L’activité est moindre dans l’est de la France qu’à Rouen, Nantes, Lille ou Bordeaux. » Avec l’appui de Santé publique France, les chercheurs du CHU de Rennes viennent de lancer une enquête sur les données de la CNAM.
Pour le Dr Danaila, l’absence de pilotage national est responsable du retard de plusieurs chantiers : « Il n’y a toujours pas de parcours de soins commun, le partenariat ville-hôpital ne fonctionne pas très bien, il n’y a toujours aucun financement pour la recherche que nous sommes censés coordonner, moins de cinq Ehpad sont labellisés Parkinson en France et la médecine du travail n’est toujours pas formée pour faciliter le maintien dans l’emploi des jeunes patients, énumère-t-il. Et tout cela alors qu’on craint une limitation prochaine de nos financements ! »
L’exemple breton
Les responsables des centres experts attendent désormais fébrilement la publication du volet financier de la feuille de route maladies neurodégénératives, prévue pour la fin de l’année 2021. Ils se réuniront au début du mois de juillet pour émettre des propositions.
L’exemple breton du centre expert du CHU Pontchaillou de Rennes a en effet montré que des moyens adéquats permettaient de fluidifier les soins. « Quand les centres experts Parkinson ont été créés, nous avions déjà rassemblé tous les spécialistes de la région, libéraux comme hospitaliers », explique le Pr Vérin.
Avec la feuille de route, le Pr Vérin espère incorporer les médecins de premier recours. « En France, nous sommes extrêmement hospitalo-centrés, déplore le neurologue. L’épisode du Covid a démontré les limites de cette organisation. Pour les malades, cela a été une année terrible. Il faut décentraliser la prise en charge et se rapprocher du domicile. Avec le soutien de France Parkinson, nous avons formé des infirmières référentes en neurologie ». Le centre expert va déléguer les tâches de suivi aux nouvelles infirmières en pratique avancée et se concentrera sur les traitements de second recours : pompes duodopa, pompes à apomorphine et stimulation cérébrale profonde.
Depuis peu, la mise en route des pompes est même réalisable au domicile. « L’année dernière, nous en avons mis 30 en route de cette manière », se réjouit le Pr Vérin. Le centre breton est également bien avancé sur la stimulation cérébrale profonde et les pompes à apomorphine. « Aujourd’hui, un quart de ces pompes en Europe sont posées en Bretagne », poursuit le Pr Vérin.
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