LE QUOTIDIEN : Quelle est la spécificité de l’épilepsie chez les enfants et adolescents ?
Pr STÉPHANE AUVIN : La vision des épilepsies peut être un peu simpliste. Elles sont souvent perçues comme la répétition de crises. En réalité, c’est plus complexe. Dans ces différentes formes, l’épilepsie peut être associée à un trouble du neurodéveloppement (TND) ou un trouble du développement intellectuel, et la répétition des crises, en particulier sur un cerveau en développement, a des effets délétères.
Par exemple dans le cas d’une épilepsie non héréditaire, l’anomalie génétique est responsable de la répétition des crises et du TND. Mais, ces crises épileptiques trop fréquentes et leur début précoce vont aussi jouer un rôle dans les conséquences cognitives.
Quelles sont les principales comorbidités de ces jeunes patients ?
Elles sont multiples et parfois se cumulent. Environ la moitié des patients ont besoin d’une forme de soutien sur le plan des apprentissages : orthophonie, orthoptie, ergothérapie, psychomotricité, accompagnement pédagogique, scolarisation adaptée. Avec les aménagements nécessaires, une trajectoire scolaire satisfaisante est possible.
Selon des données bien établies, 30 % des épilepsies débutantes sont associées à un trouble du déficit de l'attention (TDA). La forme est souvent attentionnelle pure, la forme hyperactive (TDAH) étant moins fréquente. Chez l'ensemble des patients, 20 % ont une déficience intellectuelle.
Il est nécessaire de rappeler qu’aucune forme d’épilepsie n’est bénigne, comme on a pu l’entendre par le passé, même si certaines sont moins sévères. Par exemple, dans l’épilepsie autolimitée avec pointes centro-temporales, une forme répandue chez l’enfant, la fréquence des crises n'est pas forcément très élevée. Après trois ou cinq années avec deux à trois crises par an, cette épilepsie guérit toute seule. Mais, comme dans les autres formes d’épilepsie, les troubles associés compromettent un parcours scolaire « linéaire » : 30 % sont associées à des troubles attentionnels, 15 % à des troubles praxiques et 15 % à des troubles du langage. Encore une fois, ces troubles associés peuvent se cumuler.
Ces enfants et adolescents souffrent-ils de stigmatisation ?
Tout à fait. C’est lié à la non-compréhension de la maladie et à un rejet systémique. Cela peut commencer par des choses qui ne sont pas forcément de mauvaise intention, notamment l’idée de prévenir la survenue d’un accident. On considère trop souvent que ces enfants ne peuvent pas aller à la piscine, faire de l'escalade ou participer à un séjour scolaire, sans tenir compte de la stabilité de la maladie. Sur ce point, je ne vois malheureusement que peu d'évolutions, probablement parce qu’il n’est pas aisé de communiquer sur l'hétérogénéité de ces maladies.
Dans un sondage Odoxa de 2011, 10 % des Français considéraient que l'épilepsie pouvait avoir des causes surnaturelles. La même proportion pensait que les patients ne pouvaient pas faire de sport ou qu'ils ne pouvaient pas faire d’études comme les autres. Et pour 2 %, c'est une maladie contagieuse.
Pour contrer ces fausses idées, on ne sent pas de volonté politique en faveur de ces patients. Il n’y a jamais eu de plan national pour ces maladies chroniques qui représentent 1 % de la population. Les associations de patients et les sociétés savantes l'ont pourtant demandé. La plupart des initiatives, comme l’établissement de Toul Ar C’Hoat, sont le fait d’individus qui ont été confrontés, à titre personnel, à cette maladie. Un tabou pèse sur les familles qui n’en parlent pas par peur des conséquences pour leur enfant. Un travail de sensibilisation du grand public serait utile.
Pr Stéphane Auvin (AP-HP) : « Les troubles associés à l’épilepsie compromettent le parcours scolaire »
Dr Vincent Pradeau (Avenir Spé) : « Les spécialistes libéraux sont mobilisés et remontés comme jamais ! »
Le pilotage de précision des grossesses sous immunosuppresseurs
Sarcoïdose : souvent thoracique, mais pas que
Savoir évoquer une dermatose neutrophilique