La dénutrition des personnes âgées figure dans les thèmes abordés dans le Rapport présenté en 2019 par Dominique Libault, conseiller d'État, sur « Grand âge et autonomie ». Il a identifié certaines mesures fortes, comme la formation de tous les futurs médecins généralistes à la prescription des soins nutritionnels de premier recours chez un patient dénutri.
Un repérage toujours insuffisant
La prise en charge de la dénutrition a fait l’objet de recommandations de la HAS en 2007. Pourtant comme le montre une enquête récente menée en Alsace, seulement 54 % des médecins généralistes réalisent de façon systématique un dépistage de la dénutrition, le manque de temps, de formation et d’information étant les principaux facteurs limitants.
Pourtant, les signaux d’alerte sont bien connus, perte de poids ≥ 5 % en un mois ou ≥10 % en six mois, IMC < 21, la dénutrition étant considérée comme sévère si la perte de poids est ≥ 10 % en un mois ou à 15 % en six mois, et l’IMC < 18. Le calcul de l’IMC et le dosage de l’albumine sont conformes aux recommandations, le recours au MNA encore peu usité. C’est donc globalement le dépistage systématique qui pèche, alors qu’il devrait être réalisé au moins une fois par an chez toutes les personnes âgées vivant à domicile, une fois par mois en institution, à chaque hospitalisation, et en cas d’évènement intercurrent, avec établissement d’une courbe de poids.
Il faut reconnaître que les personnes âgées se préoccupent plus au sujet de leur autonomie physique et mentale que de leur perte de poids qui est généralement insidieuse. Aussi la prise en charge est-elle souvent décalée par rapport à la déperdition calorique et/ou protéique. Il serait nécessaire d’intervenir en amont, pour informer clairement les personnes âgées sur leur alimentation, déconstruire les idées reçues et modifier les règles alimentaires. Les facteurs de risque de dénutrition devraient être mieux appréhendés : perte d’appétit favorisé par la polymédication ou les troubles de l’humeur, difficultés pratiques à faire les courses, cuisiner ou s’alimenter, les contraintes financières, les problèmes bucco-dentaires, difficultés de déglutition, augmentation des besoins caloriques et protidiques dans certaines pathologies, évènements intercurrents -infections, fractures, plaies chroniques, séances de rééducation-. La dénutrition guette aussi les personnes en surpoids ou obèses, la surcharge pondérale ou l’inflation hydrique masquant la fonte musculaire.
Redonner le plaisir de manger
La HAS a défini plusieurs modalités de prise en charge, en fonction des apports alimentaires spontanés, de la sévérité de la dénutrition, du statut clinique. La première étape est de « faire le ménage » dans les prescriptions médicamenteuses afin d’éviter les molécules qui réduisent l’appétit, modifient le goût ou favorisent la constipation, et dans les régimes restrictifs qui ont pu être prescrits, en accompagnant leur arrêt pour que les personnes en comprennent bien l’intérêt et en harmonisant les messages délivrés par les professionnels. Les apports alimentaires seront répartis en quatre prises minimum, et on favorisera goûters et collations, en particulier en soirée voire la nuit, afin que la durée du jeûne n’excède pas 12 heures. Les compléments nutritionnels oraux constituent une solution de facilité, mais ils ne correspondent pas toujours aux goûts du sujet. Pris en début de repas, ils peuvent couper l’appétit. Et il n’est pas inutile de préciser qu’ils viennent en complément du repas, et non à la place !
Si on veut convaincre une personne âgée de manger plus, il faut mettre en œuvre une alimentation plaisir. Les menus seront variés, adaptés, équilibrés tout en gardant une certaine souplesse pour respecter les goûts et les habitudes.
Le médecin devra rester vigilant sur le suivi de ce rééquilibrage alimentaire, en surveillant le poids, en interrogeant sur l’appétit et la manière dont se déroule en pratique l’alimentation qui a été proposée.
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_grand_age_autonomie.p…
Modalités de dépistage et prévalence de la dénutrition chez les patients âgés : étude prospective auprès de 100 médecins généralistes de l'Eurométropole de Strasbourg, NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie. 10.1016/j.npg.2016.10.003. - Recommandations professionnelles stratégie de prise en charge en cas de dénutrition protéino-énergétique chez la personne âgée, https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/denutrition_person…
harmoniser les messages aupres des personnes âgées, fiches pratiques pour les professionnels de santé
http://www.omedit-idf.fr/fiches-pratiques-omage/#1468252723417-9197ec47…
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