La surdité unilatérale de l’enfant n’est pas rare et regroupe des situations très hétérogènes. Elle concerne six naissances sur 10 000, soit de 3 à 6 % des enfants en âge scolaire. Cette entité regroupe trois grands cadres : les surdités unilatérales congénitales neurosensorielles (SNS), les surdités de transmission et d’autres situations, très diverses, de surdités évolutives.
Affirmer la surdité n’est pas toujours facile ; le diagnostic doit s’appuyer sur une méthode objective, comme les potentiels évoqués auditifs (PEA) ou les otoémissions acoustiques.
Des étiologies congénitales dominées par les malformations
La première étape du bilan est de préciser l’étiologie, en sachant qu’elle reste inconnue dans de nombreux cas.
Dans les SNS unilatérales, le diagnostic repose sur le scanner et/ou l’IRM. Les malformations de l’oreille interne représentent la première cause de surdité unilatérale (de 25 à 40 % des cas), à l’instar de l’hypoplasie ou de l’aplasie du nerf cochléaire, ou encore de la dilatation de l’aqueduc du vestibule. La surdité peut être uni- ou bilatérale, isolée ou syndromique, et éventuellement évoluer secondairement, avec parfois une bilatéralisation. Une consultation génétique est indiquée dans les surdités syndromiques et les malformations.
L’infection fœto-maternelle à cytomégalovirus (CMV) est impliquée dans 10 % des surdités unilatérales. Souvent asymptomatique à la naissance, elle est potentiellement évolutive et reste sous-diagnostiquée en l’absence de dépistage pendant la grossesse ou à la naissance.
Quant aux surdités de transmission unilatérales, elles relèvent généralement de malformations de l’oreille externe ou moyenne, isolées ou syndromiques, qui seront mises en évidence par l’imagerie.
Des conséquences non négligeables sur les apprentissages
Si une surdité unilatérale entraîne des conséquences bien moindres sur le développement du langage qu’une surdité bilatérale, elle peut malgré tout perturber les apprentissages. Elle provoque un inconfort auditif dans le silence et une gêne majeure dans le bruit, avec une diminution des capacités de discrimination et des troubles de la localisation sonore spatiale. « Si vous souhaitez vous faire une idée, suggère le Pr Michel Mondain (Montpellier), allez dans une grande surface en bouchant une oreille, vous n’aborderez plus la surdité unilatérale de la même manière. »
Pourtant, les conséquences d’une surdité unilatérale ont longtemps été niées ou sous-évaluées et la prise en charge négligée. Jusque dans les années 1970, on considérait qu’une seule oreille normale suffisait au bon développement de l’enfant. L’Américaine Marion Downs, « la mère de l’audiologie pédiatrique » écrivait en 1978 : « Les ORL ne sont pas concernés par la surdité unilatérale de l’enfant… si ce n’est pour dire aux parents que ce n’est pas un handicap ! » Un point de vue qui a heureusement changé, avec le dépistage généralisé qui a permis de diagnostiquer précocement les surdités unilatérales et de suivre leurs conséquences sur des cohortes importantes d’enfants.
L’implantation cochléaire et les recherches dans ce domaine ont aussi permis une meilleure compréhension des conséquences de la déperdition sensorielle auditive et des phénomènes de plasticité cérébrale, soulignant l’importance d’une prise en charge précoce, pour améliorer l’intelligibilité en milieu calme ou bruyant, la localisation spatiale, les performances perceptives cognitives et sociales.
L’implant cochléaire, une vraie réhabilitation auditive
La surdité de transmission est simple à appareiller par les moyens classiques. Pour les SNS, la réhabilitation auditive devrait s’imposer dès que la perte auditive moyenne est ≥ 30 dB, mais on ne dispose actuellement d’aucune recommandation nationale ni internationale. L’American academy of audiology (AAA) proposait en 2013 un appareillage conventionnel dans les surdités légères à modérées et un système Cros ou un implant à conduction osseuse Baha dans les surdités sévères et profondes.
Le système Cros transmet le son arrivant du côté de l’oreille malentendante à la bonne oreille, mais il nécessite le port d’un appareil sur les deux oreilles et a peu d’indications en France. Avec le Baha, les sons au niveau de l’oreille sourde sont transmis à l’autre oreille par conduction osseuse. On peut reprocher à ces deux systèmes de ne pas proposer de véritable réhabilitation de l’oreille atteinte, et les quelques études dont ils ont fait l’objet portent sur de très petits effectifs.
« L’implant cochléaire est la seule solution de réhabilitation auditive permettant de restaurer une audition binaurale. La littérature sur le sujet est beaucoup plus riche », explique la Dr Soizick Pondaven Letourmy (CHU de Tours). Son bénéfice a même été montré au niveau du cortex auditif, surtout en cas d’implantation précoce, où on observe une diminution de la représentation de l’oreille entendante parallèlement à une augmentation de la représentation de l’oreille appareillée. Il a été montré que l’implant améliore la compréhension de la parole, la localisation spatiale, la qualité de l’écoute et les performances grammaticales.
Cependant il existe un obstacle de taille : l’absence d’indication en France dans les SNS unilatérales de l’enfant… mais aussi une certaine réticence des professionnels et surtout des parents, pour lesquels l’appareillage rend le handicap visible. On constate aussi un abandon progressif de l’appareillage au fil du temps. Parallèlement à la réhabilitation, il faut rechercher d’autres problématiques qui pourraient majorer le handicap auditif et faire systématiquement un bilan vestibulaire, ophtalmologique et orthophonique.
« Allez dans une grande surface en bouchant une oreille, vous n’aborderez plus la surdité unilatérale de la même manière »
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