Traitement de l’épilepsie

Prendre en compte la qualité de vie de l’enfant

Publié le 27/06/2013
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Crédit photo : S Toubon

L’épilepsie concerne 0,5 % de la population pédiatrique, une proportion très inférieure à celle des convulsions qui se produisent chez 5 % des enfants à un moment de leur vie. L’épilepsie est une maladie chronique neurologique avec des crises mais également une comorbidité constante. Les enfants épileptiques présentent en effet des difficultés cognitives, à l’origine de difficultés scolaires chez plus de 70 % d’entre eux (dont la moitié nécessite un soutien), des troubles de l’humeur, des comorbidités sociales qui retentissent sur leur qualité de vie. « La prise en charge de l’épilepsie ne peut donc se limiter au seul traitement des crises, elle doit y associer celui des comorbidités, pour assurer la meilleure qualité de vie possible à l’enfant », plaide le Dr Mathieu Milh.

Les étapes du diagnostic.

Traiter la maladie implique de savoir de quel type d’épilepsie souffre l’enfant. La ligue internationale contre l’épilepsie définit 5 étapes pour le diagnostic d’épilepsie. La première est de consigner la description que les parents et/ou l’enfant font de la crise. Il faut ensuite définir le type de crises, focales ou généralisées, puis faire un diagnostic syndromique qui tient compte du type de crise, de l’âge de début, des résultats de l’EEG, critique et intercritique. On déterminera également s’il s’agit d’une épilepsie idiopathique dite aussi « génétique » qui est isolée, ou d’une épilepsie lésionnelle. Enfin il faut s’attacher à définir les objectifs du traitement, en termes de crises,- « l’objectif n’est pas toujours la disparition complète des crises » précise M. Milh-, de développement et de qualité de vie de l’enfant.

«Nous manquons de recommandations indiscutables pour le traitement de la plupart des épilepsies de l’enfant, » note le Dr Milh. L’épilepsie absence fait exception : le traitement recommandé repose en première intention sur l’éthosuximide, aussi efficace et mieux toléré que le valproate ; l’objectif du traitement est l’absence de retentissement cognitif. Dans l’épilepsie avec crises généralisées tonicocloniques, le traitement vise en revanche à la disparition des crises non pas, précise M. Milh, parce que ces crises ont un impact sur le développement de l’enfant mais parce qu’elles altèrent considérablement sa qualité de vie. Il n’existe dans cette indication aucune étude de haut niveau de preuve. Le traitement recourt au valproate en première intention chez l’enfant et, chez l’adolescent, à la lamotrigine qui a une AMM à partir de l’âge de 12 ans.

Les épilepsies partielles idiopathiques sont sans conséquence ; elles se généralisent rarement. « Le principe de la prise en charge est de tolérer les crises, ne pas traiter l’EEG même s’il peut être très impressionnant dans ce type d’épilepsie et… de ne pas nuire » indique M. Milh. Or la plupart des antiépileptiques, sauf les benzodiazépines et l’éthosuximide, sont susceptibles d’aggraver ces épilepsies. On préconise donc l’abstention thérapeutique ou, dans certains cas, une monothérapie, en révisant le diagnostic si celle-ci n’est pas efficace.

Dans les épilepsies lésionnelles, un seul médicament a fait la preuve de son efficacité : la carbamazépine en monothérapie qui permet de contrôler les crises chez 60% des enfants. Pour les enfants réfractaires au traitement médical, la chirurgie fonctionnelle a représenté un considérable progrès permettant une guérison de la maladie dans 50 % des cas et une amélioration chez 80 % des patients.

Enfin, le syndrome de West qui est la plus fréquente des encéphalopathies épileptiques, a bénéficié de la mise à disposition de la vigabatrine utilisée dorénavant en première intention.

Parmi les nouveautés thérapeutiques, le midazolam intrabuccal s’est révélé plus efficace que le valium intrarectal dans la prévention de l’état de mal et il est d’utilisation plus facile en ambulatoire ; il est indiqué dans les épilepsies avec risque d’état de mal (0,3 mg/kg).

Le stiripentol, indiqué dans le syndrome de Dravet de l’enfant, réduit significativement la durée des crises.

Le rufinamide diminuer le risque de chutes dans le syndrome de Lennox.

Des essais spécifiquement pédiatriques sont indispensables.

Quelques molécules issues de la recherche fondamentale ouvrent des perspectives intéressantes. Il en est ainsi du bumétamide, un diurétique de l’anse qui bloque l’entrée de chlore dans les cellules. On sait que les concentrations intraneuronales de chlore sont très élevées dans le cerveau en développement, par rapport à celui de l’adulte. Dans cette situation, l’effet du neurotransmetteur GABA qui est normalement de diminuer l’excitabilité du neurone, est inversé. Ainsi, chez l’enfant, un gabaergique pur peut induire une dépolarisation neuronale. Le bumétamide, en diminuant la concentration de chlore dans les neurones favoriserait l’action inhibitrice du GABA. Des essais sont actuellement en cours dans les convulsions néonatales résistantes au phénobarbital. Autre molécule : la rapamycine, un inhibiteur de la voie mTOR, qui va faire très prochainement l’objet d’un essai dans l’épilepsie de la sclérose de Bourneville.

Le cerveau de l’enfant ne peut être assimilé à celui de l’adulte, rappelle le Dr Milh ; l’activité du GABA est différente, l’architecture des réseaux neuronaux est également très différente. « Tant que les essais sur de nouvelles molécules seront menés initialement chez l’adulte puis chez l’enfant on ne pourra pas avancer de façon tangible dans le traitement de l’épilepsie de l’enfant. »

D’après la communication du Dr Mathieu Milh (hôpital de la Timone, Marseille)

 Dr Hélène Collignon

Source : Le Quotidien du Médecin: 9254