L’adultère est mort, vive l’infidélité ! « L’infidélité actuelle n’est plus réductible au schéma de l’adultère du XIXe siècle et prend d’autres sens qu’il convient de saisir dans leur complexité », écrivait la sociologue Florence Vatin. Historiquement, les relations extraconjugales, admises chez les hommes et condamnées chez les femmes, compensaient les manques d’ordre affectif et sexuel liés aux mariages arrangés. La liberté de choisir son conjoint donne à l’extra-conjugalité actuelle une autre signification sur le plan psychologique, individuel et conjugal. « Plus que celui des hommes, c’est le discours des femmes sur l’infidélité qui a changé. Elle se pose désormais en option possible — et non plus en termes d’interdits à transgresser. La fidélité, ou l’infidélité, sont devenus le résultat d’un choix établi sur des critères personnels et non plus selon les rôles culturellement déterminés », constate le Dr Patrick Leuillet, gynécologue sexologue à Amiens.
Une société narcissique et exhibitionniste
Jouir est un maître mot, dans une société de consommation profondément narcissique et exhibitionniste. L'infidélité a toute sa place là où règne l’éphémère et le refus de la frustration, et ce quelle que soit l’orientation sexuelle. « Pour la communauté homosexuelle, tout particulièrement masculine, le sexe est plus volontiers un projet de vie, en opposition à celui des hétérosexuels plus orientés vers la transmission. La réalité des couples de même sexe, en particulier masculins, est bien différente de celle des couples hétérosexuels. Il est important de noter qu’une minorité de couples du même sexe reprennent les stéréotypes de genre mari/femme : au contraire, la plupart semblent s’en affranchir et se construisent davantage sur une relation égalitaire », précise le sexologue.
Ces couples tendent de plus en plus à définir une nouvelle structure sociale, dans laquelle les individus trouvent plus de sens, notamment en modifiant les scripts traditionnels organisés autour de la fidélité, du monopartenariat, de l’exclusivité, mais tout en privilégiant la relation dyadique initiale. Ils ont ainsi fait naître leurs propres normes relationnelles, avec des couples dits « fermés » lorsque fidélité et monogamie sont privilégiées, et « ouverts » lorsqu’ils incluent des relations sexuelles avec d’autres personnes tout en maintenant la relation dyadique. Tout en sachant que cette ouverture du couple ne signifie pas la même chose pour tous les individus et tous les couples, chaque couple mettant en place ses propres règles, toujours susceptibles d’être renégociées.
Une déconstruction de la sexualité « normale »
L’ouverture du couple prend le sens d’une activité récréative, qui dissocie plaisir sexuel et gratification affective afin de préserver le « moi conjugal ». L’erreur « hétérosexiste » serait de concevoir la relation ouverte comme une caractéristique inhérente à la personnalité homosexuelle ou le signe de difficultés au sein du couple. Mais, si on analyse la constitution et la durée de vie des couples, les formes de sexualité, la vision égalitaire de l’avenir entre hommes et femmes, l’hétérosexualité n’est plus une évidence.
« Parallèlement à la révolution du genre, on assiste à des interrogations en acte, à une déconstruction de ce qui était présenté comme une sexualité “normale”, à savoir l’hétérosexualité », selon Daniel Welzer-Lang, sociologue français, spécialiste de l'identité masculine. Les nouvelles géographies des sexualités pourraient-elles modifier l’hétéronormie, le logiciel de l’hétérosexualité, en y introduisant davantage de fluidité ? « Indiscutablement, les homosexuels ont joué un rôle de premier plan dans la dissociation de la sexualité de la procréation, revisitant la conjugalité, l’amour, et leur caractère récréatif. Les remises en question actuelles des sexualités dites normatives, des circonstances de rencontre, des identités sexuelles et de genre aboutissent à une décomposition de l’hétéronorme, l’hétérosexualité normative, et ouvrent une brèche pour les hétérosexuels ».
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