Hypersomnolence, quand le psy s’en mêle

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Publié le 15/02/2024
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Les liens entre hypersomnolence et troubles psychiatriques peuvent être de nature multiple. Leur bonne compréhension permet d’adapter la prise en charge.

Crédit photo : GARO/PHANIE

L'association hypersomnolence et troubles psychiatriques est fréquente. Chez les patients concernés, retracer la chronologie d'apparition et d'évolution de chacun des symptômes, choisir une approche thérapeutique en fonction du mécanisme le plus probable, puis en réévaluer les effets, est indispensable car les raisons qui conduisent à cette association sont diverses.

L’œuf ou la poule ?

Une hypersomnolence peut être liée à un problème de sommeil ou d'éveil et finir par affecter l'humeur : « 25 à 30 % des patients souffrant d'hypersomnies centrales non traitées présentent une symptomatologie dépressive modérée à sévère dont l'intensité diminue après traitement de l'hypersomnolence », a rappelé le Dr Régis Lopez (unité des troubles du sommeil, CHU Montpellier) lors du congrès. Ce phénomène n'est d'ailleurs pas limité aux seules hypersomnies centrales : selon une enquête de l'Institut national du sommeil et de la vigilance/MGEN réalisée en décembre 2022 par OpinionWay sur un échantillon représentatif de 1 004 adultes, un niveau anormalement élevé d'anxiété et de dépression est retrouvé chez ceux qui se plaignent d'une moins bonne qualité de sommeil.

À l'inverse, un patient peut être hypersomnolent du fait d'un trouble du sommeil en lien avec une pathologie psychiatrique responsable d'une mauvaise hygiène de sommeil, d'insomnies, de cauchemars, de troubles du rythme veille-sommeil, etc. Dans ce cas, le traitement de l'hypersomnolence est celui du problème psychiatrique sous-jacent.

25 à 30 % des patients souffrant d'hypersomnie centrale non traitée présentent une symptomatologie dépressiveDr Régis LopezIl peut encore s'agir d'un trouble du sommeil à l'origine, à la fois, de troubles psychiatriques et d'hypersomnolence : cela se voit par exemple dans le syndrome des apnées du sommeil de l'enfant, source de symptômes proches du TDAH, mais qui, après amygdalectomie, voit les symptômes psychiatriques et l'hypersomnolence s'améliorer. Dans un déficit de vigilance comme le sluggish cognitive tempo, responsable d'un ralentissement général, un même traitement stimulant (méthylphénidate) améliore aussi les symptômes psychiatriques et l'hypersomnolence.

Le poids des traitements

Pris le matin, des traitements psychotropes prescrits au cours d'une maladie psychiatrique peuvent aussi générer de la somnolence diurne. Pris le soir, ils allongent le temps de sommeil, avec des difficultés au réveil. « Les symptômes sont aussi liés au profil de la molécule : par exemple, les moins sédatifs parmi les antidépresseurs sont la fluoxétine, la venlafaxine, la duloxétine. Le moins somnolent parmi les régulateurs d'humeur est la lamotrigine et parmi les antipsychotiques, l'aripiprazole et l'amisulpride. Le traitement de l'hypersomnolence repose, si possible, sur une adaptation du traitement des troubles psychiatriques », a rappelé le Dr Lopez.

À l'inverse, les psychotropes prescrits dans le cadre d'une hypersomnolence peuvent induire des troubles psychiatriques : les stimulants catécholaminergiques (modafinil, solriamfétol, méthylphénidate) peuvent générer de l'irritabilité, de l'anxiété, voire des chutes de l'humeur, parfois des symptômes psychotiques, une augmentation du besoin de fumer, etc. Avec un éveillant histaminergique (pitolisant), le profil de tolérance est meilleur mais il peut arriver d'avoir de l'irritabilité, de l'agressivité, une anxiété et une baisse de l'humeur. Enfin, avec un dépresseur GABAergique (sodium oxybate), il peut y avoir une baisse de l'humeur voire des symptômes psychotiques, de l'anxiété. Le traitement de ces symptômes psychiatriques repose, si possible, sur une adaptation du traitement de l'hypersomnolence.

Enfin, alors que la présence de substances sédatives (cannabis, benzodiazépines, opiacés, cocaïne…) peut s'associer à un tableau électrophysiologique compatible avec une hypersomnolence centrale, une étude rétrospective monocentrique menée à Marseille de 2019 à 2023 a révélé que leur prise était sous-estimée : le dépistage était positif dans les urines dans 9,3 % des cas, or 66 % n'en rapportaient rien lors de l'entretien initial.

D’après la session « Les hypersomnies d’origine psychiatriques »


Source : Le Quotidien du Médecin