Mieux appréhender les douleurs chroniques à l’école

Publié le 22/02/2024
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Souvent associées à des difficultés d’apprentissage, les douleurs à l’école doivent être reconnues et traitées précocement. La Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) développe, en lien avec la médecine scolaire, des plans d’accueil individualisés (PAI) pour mieux prendre en charge les jeunes patients douloureux.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Les douleurs chroniques concernent 20 à 40 % des enfants et adolescents avec, dans 5 à 8 % des cas, des formes sévères. Elles impactent souvent la scolarité et, symétriquement, des difficultés scolaires peuvent être source de douleurs.

Un PAI migraine déjà disponible

La commission douleur pédiatrique (ComPédia) de la SFETD développe, en concertation avec le milieu scolaire, des plans d’accueil individualisés (PAI) pour améliorer l’accueil de ces enfants et adolescents douloureux. L’un d’entre eux a ainsi été rédigé pour les migraines et d’autres sont en voie d’élaboration pour d’autres pathologies douloureuses, comme les dysménorrhées.

Ces PAI sont une garantie de la continuité des soins et peuvent aider à mieux reconnaître le problème. Car la douleur, expérience subjective, peut être mise en question par les élèves ou même les enseignants, et le jeune douloureux connaître un sentiment de solitude voire faire l’objet de stigmatisation, lorsqu’il quitte les cours, par exemple pour aller à l’infirmerie. Ces plans sont d’autant plus importants que les infirmières scolaires, qui peuvent donner les médicaments antalgiques, ne sont pas toujours présentes car travaillant en général sur plusieurs établissements scolaires. Partagés par l’équipe clinique et éducative, les PAI détailleront les thérapeutiques médicamenteuses selon les recommandations (par exemple ibuprofène, triptans chez l’adolescent pour les crises migraineuses…) ainsi que les méthodes non médicamenteuses utilisables (relaxation, hypnose, approche psychologique…).

Par ailleurs, après contact avec le médecin traitant et la famille, le jeune pourra être orienté vers un centre d’évaluation et de traitement de la douleur (CETD) et bénéficier d’un programme d’éducation thérapeutique pour apprendre à mieux gérer ses céphalées ou autres douleurs. La scolarité peut être aménagée dans les cas difficiles, en évitant le plus possible l’enseignement à distance.

Difficultés scolaires : cause ou conséquence ?

L’absentéisme est un bon reflet de la gravité des douleurs chroniques. Mais il faudra penser, devant un refus scolaire anxieux (auparavant phobie scolaire), à d’autres causes que des douleurs : harcèlement, trouble des apprentissages ou des interactions sociales, précocité intellectuelle, pression scolaire importante, a souligné la Dr Sophie Dugué, présidente de la ComPédia et responsable du CETD de l’hôpital Trousseau, à Paris. Souvent, le jeune a sincèrement envie de se rendre à l’école mais n’y parvient pas. Les somatisations sont fréquentes ; la douleur peut n’être qu’un écran.

Il s’agit d’une urgence thérapeutique en raison du risque de déscolarisation et de perte des liens sociaux, et dans ce cas, le jeune devra obligatoirement avoir une consultation, et parfois même une hospitalisation en pédopsychiatrie. L’utilisation du questionnaire Reperado peut faciliter les échanges avec lui, en l’aidant à mieux exprimer ses difficultés, ses émotions.

En cas de refus scolaire anxieux, la douleur peut n’être qu’un écran

Il n’est pas toujours facile de différencier difficultés scolaires secondaires à des douleurs et difficultés scolaires entraînant des douleurs. Mais, dans le premier cas, les douleurs ne régressent pas lorsque le jeune cesse d’aller en cours, contrairement à ce que l’on observe généralement dans le second cas, a souligné la Dr Dugué.

Des soins-études pour les jeunes douloureux déscolarisés

Que la douleur soit ou non responsable de la déscolarisation, une des solutions possibles est, en cas d’échec du traitement ambulatoire, de proposer une hospitalisation en structure soins-études, a expliqué la Dr Anne Tonelli, responsable d’un service de ce type, qui a accueilli de la 6e au baccalauréat 340 adolescents douloureux chroniques déscolarisés au sein de la clinique de la Fondation Santé des étudiants de France (FSEF), à Paris. Dans ces centres, les jeunes retrouvent, en petits groupes, une identité scolaire perdue, ce qui leur redonne une estime d’eux-mêmes. Ils participent aussi à des activités variées en individuel et en groupe pour soulager et mieux vivre avec leurs douleurs (sophrologie, kinésithérapie, ergothérapie, musicothérapie, TENS, balnéothérapie, tai-chi…) et ont un suivi médical et psychiatrique régulier.

Sur 100 jeunes hospitalisés au sein de la clinique parisienne de la FSEF, pour une durée moyenne de trois mois, 51 % présentaient des céphalées et migraines ou des douleurs musculo-squelettiques ou abdominales inexpliquées et une anomalie du bilan somatique a été identifiée une fois sur deux (douleurs neuropathiques après chirurgie, pancréatite…). Des antécédents familiaux de douleur étaient présents dans 4 cas sur 10. « Nous ne disposons pas encore de preuve de réussite objective de ces hospitalisations, a admis la Dr Tonelli, mais la satisfaction des patients, des familles et des médecins adresseurs plaident pour ce type de structures. » Une demande croissante d’hospitalisations dans ces centres est d’ailleurs constatée.

D’après la session  : « Lorsque les douleurs s’invitent à l’école » – congrès SFETD 2023

Surdosage en opioïdes chez l’enfant : prévenir et penser à la naloxone

Une étude de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) présentée lors du congrès révèle que les principales substances impliquées dans les surdosages pédiatriques d’opioïdes (72 cas chez des enfants de 4 ans en moyenne) sont la morphine (50 %), puis le tramadol (32 %), bien avant la codéine (7 %) et le fentanyl (3 %). Ces surdosages, qui ont entraîné la mort de 13 % des enfants et ont menacé leur pronostic vital dans 39 % des cas, étaient en grande majorité (81 % des cas) liés à une erreur médicamenteuse, principalement dans une structure de soins, et dans 19 % des cas seulement en relation avec une exposition accidentelle. De la naloxone a été administrée dans 43 % des cas avec erreur médicamenteuse.

L’agence du médicament insiste sur l’importance pour les soignants de disposer de naloxone, traitement d’urgence de l’overdose d’opioïdes, à proximité. Bien évidemment, vu la gravité de ces surdosages, il y a nécessité absolue de garder tout traitement opioïde hors de la vue et de la portée des enfants.


Source : Le Quotidien du Médecin