« EN FRANCE, nous sommes capables de dénombrer à la personne près le nombre de victimes de la grippe A, mais on se refuse à compter les suicides liés au travail. » Par cette boutade, Patrick Légeron déplore l’absence d’indicateurs permettant de mesurer le stress dans le monde professionnel. « On parle beaucoup de la souffrance au travail, mais nous n’avons aucun chiffre pour suivre ce phénomène… » Cette situation est en phase de changer. Suite au rapport que Philippe Nasse et Patrick Légeron ont remis à Xavier Bertrand en mars 2008, l’INSEE a en effet mis en place le Collège sur le suivi des risques psychosociaux au travail, composé d’experts internationaux indépendants, coordonnés par Michel Gollac, directeur du laboratoire de sociologie quantitative du Centre de recherche en économie et statistique (CREST). Il livre aujourd’hui de premiers indicateurs nationaux pour suivre 6 types de facteurs de risques, dans la fonction publique, comme dans les entreprises.
Six sources de risques interdépendantes.
Le rapport préconise tout d’abord d’évaluer l’intensité du travail et du temps de travail. « Rythme de travail soumis à à de fortes contraintes, objectifs irréalistes compte tenu des moyens disponibles, ou flous, instructions contradictoires, exécution d’une tâche sans cesse perturbée », peuvent influer fortement sur la santé, note le Collège. Les exigences émotionnelles, c’est-à-dire la nécessité de maîtriser ses émotions pour maîtriser celles des autres, sont ensuite à prendre en compte. Le manque d’autonomie, qui implique la possibilité de s’épanouir dans son travail, et la mauvaise qualité des rapports sociaux (entre collègues ou avec la hiérarchie) sont aussi des sources potentielles de risques psychosociaux. Enfin, le collège conseille de prendre en compte la souffrance éthique, provoquée par un conflit de valeurs, et l’insécurité de la situation de travail (peur de la perte d’emploi, de la diminution du salaire…).
Pour le Collège, ces différents facteurs doivent être envisagés conjointement, sans toutefois être ramenés à un seul critère. « Il n’est pas possible, au vu des connaissances actuelles, de synthétiser l’ensemble des facteurs de risque en un indice unique. La publication de plusieurs indices synthétiques, ayant une unité conceptuelle et un minimum de cohérence statistique est un compromis intéressant », souligne le rapport. L’équipe de Michel Gollac recommande la réalisation d’entretiens directs avec les travailleurs, salariés comme employeurs, ces derniers pouvant « apporter un autre regard sur les situations et des informations complémentaires, notamment sur les dispositifs de prévention ».
Louant la qualité de ce rapport, Xavier Bertrand a indiqué que la prochaine enquête sur les conditions de travail, prévue en 2012, pourrait déjà intégrer certaines indications, avant une étude plus complète en 2015. « Le ministre a souligné qu’avec la mise en œuvre des recommandations de ce rapport, il voulait placer la France parmi les pays en pointe dans le domaine du suivi statistique des risques psychosociaux, rejoignant ainsi des pays comme la Suède, les Pays-Bas et le Danemark », a fait savoir un communiqué de la rue de Grenelle.
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