Vitamine D

La supplémentation même chez les grands !

Publié le 17/11/2014
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La carence en vitamine D qui était une cause majeure de rachitisme il y a quelques décennies et qu’on essayait de prévenir par l’administration hebdomadaire d’huile de foie de morue, est actuellement exceptionnelle du fait de la supplémentation systématique en vitamine D. Nous avons toutefois observé récemment une recrudescence de cas de rachitismes carentiels par non-prescription ou mauvaise prescription de la vitamine D chez les nourrissons. À l’adolescence, les rachitismes carentiels sont exceptionnels, mais une série récente a décrit 41 cas en 5 ans dans plusieurs hôpitaux français, essentiellement chez des adolescentes à forte pigmentation cutanée et/ou porteuses de vêtements couvrants.

Le rôle "historique" de la vitamine D est son rôle dans l’homéostasie phosphocalcique, avec la stimulation de l’absorption intestinale de calcium et de phosphore (permettant ainsi une minéralisation osseuse adéquate), la stimulation de la réabsorption tubulaire de calcium et l’inhibition de la synthèse de parathormone (PTH).

Depuis le début des années 2000, la connaissance de la physiologie de la vitamine D a considérablement progressé au-delà du métabolisme osseux suggérant aussi un effet sur la santé globale, avec notamment la description d’un rôle anti-infectieux, anti-inflammatoire, antitumoral et protecteur cardiovasculaire dans des modèles expérimentaux et dans des études épidémiologiques. Le rôle de la vitamine D dans la période périnatale est également de plus en plus souvent mis en évidence, des études cliniques montrant une association entre déficit en 25OH vitamine D chez la femme enceinte et augmentation de l’incidence des complications maternelles (pré-éclampsie sévère, cholestase gravidique, diabète gestationnel par exemple), fœtales (petit poids de naissance, prématurité) et néonatales (infections pulmonaires au cours des premiers mois de vie notamment).

Même si la réalité de ces effets globaux n’est pas encore prouvée de manière indiscutable, de plus en plus d’études épidémiologiques ont montré la très grande fréquence du déficit en vitamine D dans la population générale, en gardant quand même à l’esprit qu’il n’existe en 2 014 aucun consensus, national ou international, sur le seuil de vitamine D reconnu comme étant associé à un déficit.

Le comité de nutrition de la Société française de pédiatrie (SFP) a actualisé en 2012 les schémas de supplémentation en vitamine D pour les enfants et adolescents (voir tableau), avec une supplémentation certes chez les nourrissons de moins de 18 mois, mais également systématiquement chez les 18 mois-5 ans et chez les 10-18 ans.

En pratique les apports en vitamine D peuvent être de deux types : les apports endogènes (biotransformation cutanée) et les apports exogènes (nourriture, supplémentation). Chez les humains, environ 80 % de la vitamine D provient de la biosynthèse cutanée, mais dans tous les cas, lors de la consultation, il faut tenir compte du contexte général de l’enfant et des apports en vitamine D dans son alimentation, avant de prescrire ou non une supplémentation médicamenteuse.

 

Recommandations de supplémentation en vitamine D chez l'enfant et l'adolescent

Le Programme national nutrition santé (PNNS 2004) s’est également intéressé aux apports nutritionnels en vitamine D : pour tous les enfants de plus de 3 ans et les adolescents, les apports nutritionnels conseillés en vitamine D sont de 5 µg par jour, avec les conseils diététiques suivants: consommer au moins deux fois par semaine du poisson (en privilégiant les poissons gras, apportant entre 3 et 20 microgr de vitamine D pour 100 mg), consommer des produits enrichis en vitamine D (par exemple certains laits, certains produits laitiers de consommation courante, certaines huiles végétales) et s’exposer régulièrement mais raisonnablement au rayonnement solaire (15 à 30 minutes par jour avec une photoprotection nécessaire lors des situation s de forts ensoleillement), dans un contexte où l’étude INCA2 a bien montré une diminution de 11 % de la consommation de produits laitiers chez les enfants français de 3 à 14 ans entre 1999 et 2007, avec des apports calciques cependant stables dans la tranche d’âge 15-17 ans.

Peu d’aliments sont naturellement riches en vitamine D : c’est le cas des poissons gras (saumon, morue, maquereau, sardine...), mais certains aliments sont enrichis en vitamine D, et ce d’autant plus depuis la circulaire du 11 octobre 2001 autorisant la supplémentation en vitamine D dans les laits et produits laitiers frais de consommation courante (journal officiel du 19 octobre 2001). En ce qui concerne les préparations lactées pour nourrissons, l’arrêté plus ancien du 13 février 1992 autorise l’adjonction de vitamine D dans ces produits.

À ces conseils s’ajoutent également la nécessité d’apports calciques suffisants et la promotion d’une activité physique régulière, l’un et l’autre nécessaires pour optimiser le pic de masse osseuse et limiter ainsi le risque de fractures sur le très long terme.

En conclusion, la vitamine D semble avoir un rôle fondamental pour la santé globale, avec des effets pleiotropes, à la fois locaux et systémiques. Le rachitisme carentiel, s’il est devenu rare, n’a pas complètement disparu en France en 2 014. La meilleure prévention consiste à respecter les recommandations de supplémentation, en gardant à l’esprit que, comme toujours, le "trop" pourrait être aussi délétère que les "trop peu", ce qui nécessite de vérifier avant toute prescription l’absence de contre-indications et notamment un antécédent d’hypercalcémie ou de lithiase.

Hôpital Femme Mère Enfant, Lyon

Références:

Adams JS et al J Clin Endocrinol Metab. 2010;95:471-8.

Vidailhet M et al Arch Pediatr. 2012;19:316-28.

Bacchetta J et al Arch Pediatr. 2010;17:1687-95.

Souberbielle JC et al Ann Biol Clin. 2014;72:385-389.

Dr Justine Bacchetta,

Source : Bilan spécialistes