Dr Marie-Laure Gamet, sexologue au CHU de Lille

« Derrière un trouble de l'érection, il peut y avoir un secret »

Publié le 22/09/2020
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Lorsqu'un homme présente un trouble de l'érection, son ou sa partenaire lui conseille souvent de consulter avec en arrière-pensée, l'idée de ne plus être aimé(e) ou désiré(e) de cet homme, alors qu'il existe bien d'autres causes et parfois un lourd secret.

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LE QUOTIDIEN : Comment mener l'entretien d'un patient venant pour un trouble de l'érection ?

Dr MARIE-LAURE GAMET : Il est indispensable d'éliminer les causes organiques (vasculaires, hormonales, neurologiques, anomalies du corps caverneux, IST, maladie chronique comme un diabète, etc.), psychiatriques (troubles anxieux, dépression) sans oublier les traitements médicamenteux.

Se pose ensuite la question de l'orientation sexuelle qui peut être différente de celle établie sous la pression de la société. Il peut encore s'agir d'un trouble de l'identité sexuelle. Parfois, c'est l'image que l'homme a de son sexe qui peut jouer (s'il le pense trop petit, par exemple).

La question de la pornographie mérite d'être posée « êtes-vous consommateur de films pornographiques ? À quelle fréquence ? » car elle entretient volontiers de fausses idées de performance, au risque de retentir sur le désir et sur l'érection. Un trouble du désir peut être à l'origine d'un trouble de l'érection, tout comme une éjaculation prématurée : il n'est pas toujours simple d'en parler avec celui ou celle qui partage sa vie, mais le médecin peut recueillir la confidence.

La sexualité peut renvoyer à un secret de filiation et/ou à la peur de la procréation. Et la perte des érections, à une perte du sentiment d'être un homme, impactant la sexualité par anxiété d'anticipation avec en conséquence, une perte de confiance en soi, ou même un état dépressif. Dans une situation de secret, cet impact risque d'être majoré.

Comment favoriser de telles confidences ?

On peut simplement expliquer à son patient qu'une difficulté érectile peut témoigner d'un problème de santé globale. Il est donc logique de se soucier de la santé du corps, de la santé psychique et aussi de la santé sexuelle. Les généralistes sont au premier plan pour relier une cause à une difficulté ou à un trouble sexuel. Il est donc important de demander au patient comment il se sent sur ce plan, s'il y a des répercussions sur sa vie de couple, etc. Le rassurer sur la confidentialité de l'entretien est souvent utile.

Quel est le principal écueil à éviter ?

Il ne faut pas tout mettre sur le compte d'une fatigue ou de tensions dans le couple, mais chercher plus loin. Et chez des patients atteints de maladie chronique, souvent polymédicamentés, la cause médicamenteuse ne peut être la seule évoquée. Il faut penser à l'ensemble des causes et à la question d'un secret. La banalisation risque de retarder le diagnostic et donc, la guérison.

Quelle place occupent les violences sexuelles ?

Elles peuvent être une cause de trouble de l'érection. Environ un homme sur treize en a été victime avant ses 18 ans et le plus souvent, au sein de la famille ou de l'environnement proche. C'est souvent très compliqué pour un garçon victime d'en parler spontanément. D'où le secret. Il faut donc poser directement la question : « enfant ou plus tard, avez-vous été victime de violence sexuelle ? » en expliquant ce terme.

Si la question d'un secret est suspectée voire avérée, le généraliste peut orienter son patient vers un médecin formé à la médecine sexuelle. Ce dernier évalue et prend en charge les facteurs personnels organiques, psychologiques, relationnels et l'ensemble des facteurs liés à la sexualité elle-même ou au mode de vie. Il peut orienter si besoin le patient vers d'autres ressources psychiatriques ou psychologiques.

La Dr Marie-Laure Gamet, médecin généraliste du pôle psychiatrie médecinelégale et médecine en milieu pénitenciaire au CHU de Lille, est l'autrice avec Claudine Moïse de « Les violences sexuelles des mineurs. Victimes et auteurs : de la parole au soin ». editions Dunod. Collection :  Enfances, Dunod. Juin 2010. 240 pages. 29 €.

Propos recueillis par la Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du médecin