Des critères de moins en moins restrictifs

Le don de sang s'élargit aux hommes ayant eu des rapports sexuels avec des hommes

Publié le 22/09/2020
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Le don de sang est ouvert aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), qui en étaient exclus à vie jusqu'en 2016, sous réserve d'une période d'abstinence initialement de 12 mois, puis réduite à quatre mois depuis le 2 avril 2020.
Une réévaluation intégrant les dernières données disponibles, est prévue d'ici 2022

Une réévaluation intégrant les dernières données disponibles, est prévue d'ici 2022
Crédit photo : Phanie

Va-t-on supprimer pour le don de sang la période d'abstinence de quatre mois pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et arriver aux mêmes critères de sélection que chez les femmes et les hommes hétérosexuels, à savoir, un seul partenaire (non multipartenaire), au cours des quatre derniers mois ?

La question est posée, mais non tranchée. « Il faut d'abord s'assurer que le don de sang d'un HSH n'est pas plus à risque que celui des femmes ou des hommes hétérosexuels. En attendant, enquête de compliance et analyses de risque se poursuivent pour ne pas transiger avec la sécurité transfusionnelle des receveurs », explique Josiane Pillonel, épidémiologiste dans l'unité VIH/sida, hépatites B et C, IST de la direction des maladies infectieuses à Santé publique France.

Des changements par étapes

La modification d'un critère de sélection des donneurs de sang fait toujours l'objet d'une évaluation avant et après sa mise en œuvre. De plus, toutes les parties prenantes (opérateurs de transfusion, autorités de santé, associations de patients et de donneurs de sang et des organisations de défense des droits des personnes LGBT) sont réunies pour en discuter. Ce n'est qu'à la suite de ce processus que le ministère de la Santé prend une décision qui est ensuite appliquée par l'Établissement français du sang (EFS) et le Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA).

Le 10 juillet 2016, l'exclusion définitive des HSH au don de sang a pu passer à une exclusion limitée à 12 mois d'abstinence. « À cette époque, nous nous étions déjà posé la question de passer à quatre mois, mais nous manquions de données scientifiques. Depuis le 10 juillet 2016, aucune augmentation du risque de transmission de VIH par transfusion n'a été observée. Sur la base de ce constat très encourageant, les études ont été poursuivies. Ces travaux ont montré qu'il n'y aurait pas non plus d'augmentation du risque VIH à passer d'une période d'abstinence avant le don, de 12 à 4 mois. Ce risque est estimé à un pour six millions de dons, soit, en théorie, un don VIH + non détecté par les tests actuels tous les deux ans en France. Que l'on soit à quatre mois ou à 12 mois, ce risque est toujours d’un pour six millions de dons. La période d'abstinence a pu ainsi être raccourcie à quatre mois, à compter du 2 avril 2020 », explique Josiane Pillonel.

Suppression de la période d'abstinence à l'étude

« Avant de franchir une nouvelle étape, il nous faut déjà vérifier en pratique qu'il n'y aura aucune augmentation du risque transfusionnel lié au VIH + lors du passage de 12 à 4 mois d'abstinence chez les HSH et que les HSH respectent bien ce critère », est-il précisé. Cela fait l'objet d'évaluations. Il faut aussi que le calcul du risque théorique en cas de suppression, soit rassurant. Or, ouvrir le don de sang aux HSH ayant eu un unique partenaire au cours des quatre derniers mois, pourrait s'accompagner d'un léger surrisque : bien qu'il reste extrêmement faible (estimé à un pour quatre millions de dons, soit un don potentiellement infecté tous les 1,5 an), c'est un peu plus élevé que si le donneur restait soumis à une période d'abstinence de quatre mois pour les HSH (risque d’un pour six millions de dons).

Comme il ne s'agit que d'un calcul théorique, une réévaluation intégrant les dernières données disponibles, est prévue d'ici 2022. « Aujourd'hui, la sécurité virale des produits sanguins est optimale et il n'est pas question de transiger avec cette sécurité, insiste Josiane Pillonel. Pour mémoire, le risque maximal qu'un don ne soit pas détecté positif car il se produit entre la contamination et le moment où l'infection est détectable par les tests (fenêtre silencieuse), est d’un don par an pour le VHB, un don tous les deux ans pour le VIH et un don tous les 11 ans pour le VHC. Comparativement aux années 1990, il y a eu une diminution par un facteur 10 pour le VIH, 30 pour le VHB et 170 pour le VHC ». D'excellents résultats que la France entend conserver !

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du médecin