En février dernier, dans leurs propositions communes, les syndicats de médecins libéraux demandaient un espace de liberté tarifaire, y compris pour les généralistes. Une proposition qui continue de revenir avec insistance. Pour Frédéric Bizard, la demande n’est pas pas si saugrenue : « La concentration de l’Assurance Maladie va être de plus en plus importante sur le gros risque, les ALD, mais va se désengager sur les soins courants sur lesquels on aura une faible part de prise en charge par l’Assurance Maladie et, donc une partie libre des honoraires qui ne va faire qu’augmenter, c’est inévitable ». Et l’économiste de Sciences Po Paris de conclure, définitif : « Dans le système tel qu’il est aujourd’hui, ce n’est que par la liberté d’honoraires régulés que vous arriverez à solvabiliser les soins courants des médecins libéraux ».
« Les dépassements créent des problèmes d'accès aux soins »
Un point de vue qui n’est pas partagé par d’autres économistes. Pour Brigitte Dormont, le niet est absolu : « C’est quelque chose qui est tout à fait contraire à l’intérêt général. Les dépassements créent des problèmes d’accès aux soins. Cela renchérit le coût des complémentaires santé. Cela conduit à dégrader le contrat social qu’il y a autour de la Sécurité sociale. Nous cotisons tous pour avoir accès aux soins et il y a une garantie de taux de couverture de 70 % qui n’existe que s’il y a un tarif conventionnel ».
Lise Rochaix se méfie, elle aussi : « Au moment où les États-Unis revenaient sur cette liberté tarifaire, dans les années 1980, nous l’avons mise en place avec le secteur 2. Cette mesure, initialement conçue pour un petit nombre de professionnels, a connu un tel succès qu’il a fallu fermer l’entrée de ce secteur en 1990 sous peine de ne plus permettre à tous l’accès à un médecin de secteur 1 ». Selon elle, c’est l’accès aux soins qui pâtirait d'une telle mesure. « La difficulté dans le domaine de la santé est que souvent le prix, à défaut d’autre chose, est considéré par les usagers comme un indicateur de qualité, sans qu’il soit possible de le vérifier. Le risque est que des personnes renoncent à d’autres dépenses importantes pour consulter des médecins de secteur 2. Les effets de ce système ont été analysés sur des critères d’efficience, d’équité d’accès et de lisibilité et les résultats doivent nous conduire à la plus grande prudence à l’égard de toute nouvelle mesure visant la libéralisation des tarifs », estime-t-elle.
D'autres experts évacuent le sujet pour des raisons d'opportunité : « Je ne suis pas sûr que ce soit dans l’agenda gouvernemental. Le début du quinquennat a été largement consacré à réduire le secteur II (avenant n° 8 et article de la loi Santé sur le service public hospitalier). Je vois mal le gouvernement changer de cap », souligne Claude Le Pen. Et de fait, après avoir fait de l’accessibilité aux soins un leitmotiv de la loi Santé, on voit mal les pouvoirs publics accéder à cette demande...
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