Par Patrick Ferrer
— Amélie, nom d’un chien, j’aurais pu te tuer !
La légiste ignora ses jérémiades et se dirigea vers la fenêtre ouverte.
— Comment as-tu pu tromper la vigilance des policiers… et que fait-elle ici ?
La locataire du rez-de-chaussée avait fait son apparition, encore vêtue de sa robe de chambre.
— Simone les a distraits. Tu n’as rien touché, j’espère ?
Il aurait dû s’y attendre. La seule façon d’éviter qu’elle ne vienne mettre son nez dans son enquête eut été de la ligoter dans le coffre de sa voiture.
— Tu avais tort, dit-il.
Elle le contempla de ses grands yeux noisette. Il désigna la chaise renversée.
— Un assassin n’aurait pas eu besoin de monter sur une chaise.
— À moins qu’il ne s’en soit servi pour la frapper. Desjoux lâcha un soupir. Il n’aurait jamais le dernier mot avec elle.
— C’est drôlement propre.
— Oui, et alors ?
Elle passa un doigt ganté sur la table basse et le lui mit sous le nez.
— Pas de poussière.
Desjoux haussa les épaules. Il ne voulut pas admettre qu’il avait également eu un pressentiment mais ne voyait pas encore en quoi cela pouvait les aider. Amélie avait déjà filé dans la cuisine. Il la trouva le nez dans la poubelle.
— Qu’est-ce que tu fais ? L’assassin est peut-être dans le coin, tu devrais attendre que… La légiste lâcha un petit cri de triomphe.
— Voilà qui est intéressant !
Desjoux se pencha à son tour mais la poubelle ne contenait qu’un paquet de biscuit dont l’emballage était à moitié rongé. Un truc qu’était resté trop longtemps dans un placard apparemment.
— Nous tenons une piste.
À bout de patience, Desjoux se pinça la racine du nez pour éviter d’exploser.
— Écoute. Je sais que tu veux bien faire mais il n’est pas question d’examen forensique des lieux avant que nous n’ayons sécurisé l’immeuble. Tu vas gentiment redescendre et…
Une explosion de musique couvrit ses derniers mots. Le voisin devait être sourd. Pas étonnant que la fille ait sauté, pensa Desjoux, sombrement. Il alla sonner à la porte adjacente. Un vieil homme ratatiné ouvrit au bout d’une minute. Il semblait se mouvoir avec peine et le commissaire le barra de sa liste de suspects.
— Police judiciaire. Vous êtes seul ?
Le vieux opina. Derrière lui s’élevait un aria passionné, qui devait signifier la mort prochaine de l’héroïne. Desjoux lui demanda s’il avait entendu des bruits suspects chez sa voisine mais l’autre, après lui avoir fait répéter la question, secoua la tête. Il ne savait pas pourquoi il avait posé la question. Puis le vieux sembla se raviser.
— J’ai peut-être entendu un cri mais je ne suis pas sûr…
La cantatrice entonna au même instant son râle mortuaire. Desjoux le remercia et lui recommanda de rester chez lui (une autre recommandation inutile, l’individu n’allait pas s’envoler à son âge). Il retourna sur la scène de crime où les deux femmes étaient en grande discussion.
— Vous êtes encore là ? Je croyais vous avoir dit…
Amélie haussa les sourcils.
— Tu nous avais dit quelque chose ? Je n’ai pas entendu. Bon, on va attendre que le reste de l’équipe arrive pour les relevés papillaires mais je doute qu’on trouve quoi que ce soit. Pourtant je suis certaine que la coupable est encore dans les parages.
— La coupable ? Comment diable pourrais-tu savoir… ?
Amélie eut cette petite moue qu’il ne connaissait que trop bien.
— Bah, ce n’est pas quelque chose que tu pourrais comprendre. Tu n’es qu’un homme après tout.
La voisine et elle échangèrent un regard entendu et il dut faire appel à toutes ses réserves de sang-froid pour ne pas les balancer à leur tour par la fenêtre.
Prochain épisode dans notre édition du 19 janvier
Avec la collaboration de
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La chute (1/6)
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