LE QUOTIDIEN : Pour vous, quel rôle joue le Sénat sur les sujets santé ?
PATRICK HASSENTEUFEL : L’importance des questions de santé au Sénat est grandissante. Avec la mise en place des projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) depuis 1996 de manière systématique à chaque automne, l’Assurance-maladie occupe une place majeure dans le débat parlementaire. De surcroît, depuis la loi Touraine de 2014, on observe des projets de loi gouvernementaux tous les deux, trois ans ! Et le Sénat produit de son côté des propositions de loi, des rapports, des amendements… Ses initiatives sont croissantes en raison notamment de la désertification médicale, qui place les élus locaux en première ligne. Pendant l’épidémie de Covid-19, les collectivités territoriales se sont énormément mobilisées. Et ces dernières sont leurs électeurs ! Le Sénat est donc une instance plutôt décentralisatrice, qui porte des propositions qui renforcent le rôle des collectivités.
Enfin, si les sénateurs travaillent bien ensemble, c’est aussi pour exister : ils ont besoin de produire des textes avec des majorités larges puisque l’Assemblée a le dernier mot. Gérard Larcher, comme Alain Poher avant lui, défend l’institution malgré son infériorité institutionnelle. Il y a ainsi davantage de textes qui passent en première lecture au Sénat.
Le Sénat est-il plutôt une assemblée de compromis ou de corporatisme médical ?
C’est en train de bouger justement parce que l’intérêt des collectivités territoriales n’est pas forcément celui des médecins ! L’exemple le plus frappant est la remise en question de la liberté d’installation, que demandent beaucoup d’élus locaux et que les praticiens refusent.
Il faut dire également que la situation politique actuelle donne un rôle plus important au Sénat, car il n’y a pas de majorité absolue à l’Assemblée. C’est difficile pour l’exécutif, qui a besoin de la droite… laquelle est majoritaire au Sénat ! Ainsi, un compromis trouvé avec le Sénat est plus facile à porter à l’Assemblée pour la majorité présidentielle. D’ailleurs, on a parfois l’impression que le gouvernement négocie plus facilement avec la majorité sénatoriale qu’avec Les Républicains (LR) qui sont à l’Assemblée ! Peut-être parce que les LR du Sénat sont nettement moins sous la pression du Rassemblement national que ceux de l’Assemblée. Et qu’ils ont une culture du compromis, avec une temporalité et un suffrage différent. C’est aussi un argument pour la majorité face aux LR réticents à voter un de leur texte, pourtant adopté au Sénat.
Quelles sont les réformes de santé que pousse le Sénat ?
J’ai l’impression qu’on va vers un renforcement de la coordination des soins et de la territorialisation, en donnant aux collectivités davantage la possibilité d’intervenir dans la santé, de financer des structures de soins et du personnel comme dans la loi 3DS de 2022 (Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification). Cela va de pair avec l’augmentation du pouvoir des ARS. In fine, c’est ce que portent les associations d’élus locaux comme les maires (AMF) ou les maires ruraux (AMRF), qui sont en pointe sur la question. Cela montre que le Sénat est attentif aux territoires, alors que le président de la République n’a jamais été élu localement…
Le Sénat est donc une instance plutôt décentralisatrice, qui porte des propositions qui renforcent le rôle des collectivités
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