Plan Cancer 3

Les priorités des politiques de santé

Publié le 16/12/2013
Article réservé aux abonnés
1387160061483433_IMG_118862_HR.jpg

1387160061483433_IMG_118862_HR.jpg
Crédit photo : BSIP

LES DEUX premiers plans cancers ont été de vrais succès, avec la création de l’Institut national du cancer (INCa), des Réunions de consultation pluridisciplinaires (RCP), des plateformes de biologie moléculaire, des cancéropôles, des Centres labellisés INCa de phase précoce (CLIP), des Sites de recherche intégrée sur le cancer (SIRIC), etc. Le Rapport Vernant est cohérent avec les évaluations menées par la Direction générale de la Santé (DGS) et l’INCa , le Pr Jean-Paul Vernant (Paris), en a décrit les lignes directrices, qui seront des axes forts du 3e Plan Cancer remis au Président de la République en février 2014.

Les propositions qui seront remises au Président.

• La prévention contre le tabac n’a pas été un franc succès durant les deux premiers Plans. On observe un tabagisme croissant chez les jeunes et chez les femmes. L’échec est lié à un travail insatisfaisant en matière d’éducation. Il faut passer d’une prévention essentiellement prescriptive à une prévention essentiellement éducative. À l’école, il faut informer les jeunes sur les comportements à risque.

• Le dépistage cristallise le problème majeur des inégalités sociales : un tiers des femmes ne bénéficie pas du dépistage du cancer du col de l’utérus, la plupart font partie des classes sociales les plus défavorisées. « Nous souhaitons, indique le Pr Jean-Paul Vernant, qu’il y ait un dépistage organisé du cancer du col. À l’inverse, le dosage du PSA systématique ne devrait plus être remboursé, sauf chez les familles ou populations à risque. Nous souhaitons mettre le médecin traitant au centre de ce programme de dépistage en organisant tous les deux ans une consultation pour parler de dépistage, en dehors des consultations standards motivées par un mal de gorge ou une entorse de cheville ».

• La recherche. Il faut renforcer les SIRIC, augmenter les CLIP, en travaillant sur la Recherche translationnelle, sur les sciences humaines et sociales. Le Pr Vernant stipule qu’il souhaite que l’INCa soit l’opérateur unique de la gestion des crédits de recherche, « ce sera le garant de l’efficience et d’une lisibilité plus grande des travaux de recherche ».

• Les métiers du cancer. Le Diplôme d’études spécialisées complémentaires (DESC) de cancérologie est maintenu : « les spécialistes d’organe doivent pouvoir bénéficier d’une formation de qualité à travers un enseignement national homogène ».

• La radiothérapie. La Radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI) doit être le standard pour les cancers ORL, les cancers de la prostate...

• La radiologie. Il y a trop de délai d’attente pour pouvoir bénéficier d’une IRM en France. Il y a 5 ans, 27 jours étaient nécessaires pour pouvoir bénéficier d’un bilan de cancer ; ce délai est inchangé en 2013 pour les cancers du sein, du col, de la prostate, d’après un travail réalisé par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), l’INCa et la Société française de radiologie. Le Pr Vernant souhaite ramener ce délai à moins de 14 jours.

• Les nouveaux métiers de la cancérologie. Le Rapport Vernant appelle de ses vœux la création de postes d’infirmiers cliniciens – avec une valorisation correspondante à cette nouvelle qualification –, de techniciens cytologistes en anatomopathologie, de spécialistes en bio-informatique du cancer, de dosimétristes en radiothérapie, et de radiophysiciens, avec un statut de professionnel de santé.

• Le médecin traitant doit être intégré très clairement au parcours de soin. Des propositions précises sont faites pour qu’il y ait échanges d’informations. La coordination avec le médecin traitant et les autres professionnels de proximité est à renforcer.

• Création d’une RCP d’appui, mise en place face à un patient en situation d’échec thérapeutique après plusieurs lignes de traitement. L’ensemble des médecins, l’équipe paramédicale et de soins palliatifs, y statueraient sur le cas afin d’éviter l’excès thérapeutique.

• Création d’une consultation de fin de traitement, entre l’hôpital et le médecin traitant.

Le Rapport souligne également le problème de redondance des structures : « l’organisation de la cancérologie est un véritable millefeuille ». Le Pr Vernant veut rétablir le lien entre les réseaux de la cancérologie et l’INCa via les cancéropôles.

Il souhaite également mettre fin au reste à charge pour le patient cancéreux.

Enjeu de santé publique.

Comme l’a souligné également Anne Burstin, Directrice Générale de l’INCa, le Plan Cancer 3 s’impose aussi car le cancer demeure un enjeu majeur de santé, avec une incidence qui reste toujours très élevée. La chronicisation de la maladie implique une nouvelle logique de prise en charge, qui rend la coopération ville-hôpital encore plus cruciale. C’est également un axe majeur du prochain Plan cancer. « Il faut tirer toutes les conséquences des innovations majeures depuis les deux premiers Plans, en termes de financement, d’organisation. Le Rapport prospectif d’Unicancer le souligne bien : c’est la chirurgie ambulatoire, les nouvelles thérapies ciblées, les thérapies per os, les nouvelles approches de radiothérapie, qui doivent être développées. Les organisations doivent être repensées et les financements adaptés. Ce sont des enjeux importants pour le 3e plan cancer », a-t-elle souligné.

Aussi, un certain nombre de principes guident l’élaboration du Plan : la lutte contre les pertes de chance – qu’elles soient liées aux inégalités sociales, territoriales, et au non-respect des standards de prise en charge – la nécessité d’amplifier le diagnostic précoce ou de réduire significativement le nombre de cancers évitables, en faisant prendre davantage conscience des risques comportementaux individuels, notamment pour les plus jeunes : tabac, alcool mais aussi nutrition. « Le Plan cancer doit poursuivre l’accélération du transfert de la recherche vers le soin », a expliqué Anne Burstin. Un effort spécifique sera conduit sur les cancers pédiatriques mais aussi sur les cancers les plus graves, pour lesquels les patients sont en impasse thérapeutique. Des stratégies spécifiques seront conduites en fonction de certains cancers en raison de leur incidence, de leur spécificité.

Adapter les pratiques.

Face à l’ensemble de ces axes prioritaires du Plan cancer 3, le Pr Jean-Louis Druais (Collège de la médecine générale) a exprimé le souhait de la construction d’une équipe pluridisciplinaire de proximité et d’une consultation d’annonce pluridisciplinaire. Il a de plus indiqué que le Collège de la médecine générale travaillait à la rédaction d’un livre sur la prise en charge des malades chroniques.

Le Pr Josy Reiffers a, quant à lui, souligné l’inadéquation des pratiques aux progrès de la science médicale : les tarifs de mastectomies en ambulatoire ne sont pas incitatifs, les consultations pour la prescription de thérapies ciblées par voie orale et le remboursement de ces nouvelles thérapies ne sont pas suffisamment élevés. De même, pour la radiochirurgie interventionnelle, alternative à la chirurgie lourde : cette dernière est très bien remboursée dans les établissements de santé, alors que certains actes de radiologie interventionnelle ne le sont pas. « La caractérisation moléculaire des tumeurs va devenir indispensable pour le choix des traitements : à l’horizon 2020, on estime à sept fois plus, le nombre d’anomalies qui vont guider la thérapeutique, a-t-il annoncé. Les plateformes moléculaires ne sont pas en mesure de réaliser toutes les caractérisations, qui seraient pourtant d’ores et déjà utiles pour les patients. Mon souhait est que le Plan cancer 3 permette des modalités de financement plus souples et améliore la réactivité des différentes structures ».

D’après la session plénière consacrée au Plan Cancer 3 : les priorités des politiques de santé.


Source : Le Quotidien du Médecin: 9289