L’INSUFFISANCE cardiaque (IC) est plus fréquente chez le diabétique : sa prévalence est de 11,8 % chez les diabétiques de type 2 contre 4,5 % chez les non diabétiques et son incidence est doublée : 7,7 % versus 3,4 % (1). Et chez le diabétique coronarien, le risque relatif d’hospitalisation pour IC (absente à l’inclusion) est de 3,34 après 4 ans de suivi. « La maladie coronaire et l’hypertension artérielle fréquemment associée n’expliquent pas à elles seules cette incidence accrue de l’IC chez le diabétique de type 2. L’atteinte microangiopathique cardiaque, reconnue sous l’entité cardiomyopathie diabétique, pouvant être responsable d’une dysfonction ventriculaire gauche, est également en cause », a rapporté le Pr Hélène Hanaire.
Ce lien entre développement de l’IC et la microangiopathie a pu notamment être souligné dans l’étude ARIC (2), qui a suivi pendant 9 ans un millier de diabétiques de type 2 indemnes de coronaropathie. Au terme du suivi, l’incidence cumulée de l’IC état de 21,6 % chez les patients présentant une rétinopathie diabétique – marqueur de maladie microvasculaire –, comparativement à 8,5 % chez les sujets indemnes de rétinopathie, soit un risque relatif ajusté de 2,2.
Le risque d’IC semble corrélé à l’équilibre glycémique. Selon un registre suédois ayant suivi quelques 9 000 diabétiques de type 1 pendant 9 ans, chaque augmentation d’un point de l’HbA1c est associée à une augmentation de 30 % du risque de développer une IC. Dans l’étude UKPDS, chez les diabétiques de type 2, l’augmentation du risque d’IC est de 19 % pour chaque point supplémentaire d’HbA1c.
En outre, chez les diabétiques, le pronostic de l’IC est plus péjoratif. Il est ainsi essentiel chez ces patients de réaliser un nouveau bilan cardiaque précis face à toute symptomatologie évocatrice d’IC. La prise en charge doit se faire à trois niveaux : cardiaque, facteurs de risque et équilibre glycémique. Quels objectifs viser ? « Selon les nouvelles recommandations [lire page XXX], pour la majorité des patients il faut abaisser l’HbA1c à moins de 7 %. Cette stratégie a démontré ses bénéfices sur les complications microvasculaires ainsi que sur les complications macrovasculaires si elle mise en place précocement », a rappelé le Pr Hanaire, avant de préciser que le contrôle intensif de la glycémie, dans la majorité des essais, n’a pas augmenté le risque d’IC.
Un nouveau regard sur la metformine.
Quel traitement choisir ? La metformine était jusqu’alors contre-indiquée en cas d’IC, mais de nouvelles données, issues en particulier du registre REACH (3), remettent en question cette contre-indication. En effet, dans ce registre qui a inclus près de 20 000 patients diabétiques avec athérosclérose, la prise de metformine était associée, après deux ans, à une réduction de la mortalité globale, de 31 % chez les diabétiques avec insuffisance cardiaque. De façon intéressante, le bénéfice du traitement par metformine a été observé tant chez les sujets de moins de 65 ans que chez ceux âgés de 65 à 80 ans.
Des résultats concordants ont été rapportés dans un travail rétrospectif (4) sur 10 000 patients diabétiques insuffisants cardiaques, où le traitement par metformine, seule ou avec un sulfamide hypoglycémiant, était associé à une mortalité moindre comparativement à d’autres traitements antidiabétiques.
« Enfin, des études préliminaires suggèrent que les nouveaux traitements renforçant les effets du GLP-1 pourraient avoir un intérêt chez le diabétique insuffisant cardiaque », a ajouté le Pr Hanaire.
Confirmant la fréquence et le caractère péjoratif de l’IC chez le diabétique, le Dr Damien Logeart a insisté sur le rôle délétère joué par la cardiomyopathie diabétique, à l’origine d’un remodelage concentrique avec dysfonction diastolique, qui fait toute la difficulté du traitement de ces patients. « Les recommandations de la Société européenne de cardiologie sur la prise en charge de l’IC, publiées en 2012, sont très précises chez les patients ayant une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) altérée, mais beaucoup moins codifiées lorsque la FEVG est préservée, ce qui est volontiers le cas chez les diabétiques. La prise en charge multidisciplinaire avec réadaptation cardiaque à l’effort prend tout son sens chez ces patients », a-t-il conclu.
Session : « Une consultation, un diabétique insuffisant cardiaque, quel traitement pour le diabète, quel traitement cardiologique ? » modérée par les Prs Bernard Charbonnel et Michel Komajda, avec les communications du Pr Hélène Hanaire (Toulouse) et du Dr Damien Logeart (Paris).
(1) Nichols GA et al. Congestive heart failure in type 2 diabetes: prevalence, incidence, and risk factors. Diabetes Care. 2001 Sep;24(9):1614-9.
(2) Cheung N et al. Diabetic retinopathy and risk of heart failure. J Am Coll Cardiol, 2008; 51 (16): 1573-1578.
(3) Roussel R et al. Metformin use and mortality among patients with diabetes and atherothrombosis. Arch Intern Med. 2010 Nov 22;170(21):1892-9.
(4) Andersson C et al. Metformin treatment is associated with a low risk of mortality in diabetic patients with heart failure: a retrospective nationwide cohort study. Diabetologia. 2010 Dec;53(12):2546-53.
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