La peau hébergeant une riche flore commensale, toute plaie chronique est colonisée, avec un déséquilibre de la flore. Le seul examen bactériologique ne permet pas de différencier la colonisation d’une infection.
Le diagnostic d’infection est avant tout clinique. La réalisation systématique du prélèvement bactériologique d’une plaie chronique n’est donc pas recommandée (Spilf/SFD/service des bonnes pratiques professionnelles de la HAS).
Éviter les prélèvements, surtout superficiels !
« Les prélèvements bactériologiques ne sont indiqués qu’en cas de signes évocateurs d’une infection de la plaie (suppuration franche, abcédation, douleurs). De plus, les prélèvements doivent être de bonne qualité pour limiter le risque d’une surprescription d’antibiotiques à large spectre antibactérien », explique le Pr Éric Senneville (Tourcoing).
L’interprétation tient compte de la qualité du prélèvement et de ses conditions de transport au laboratoire
Pr Éric Senneville
Le prélèvement doit toujours être précédé d’un débridement mécanique de la plaie (excision des tissus dévitalisés, nécrosés). Il faut éviter les prélèvements superficiels, type écouvillons (pourtant souvent utilisés), qui ne permettent pas de distinguer la flore colonisante des microbes pathogènes, responsables de l’infection. Leur fiabilité est modeste : les résultats seront toujours positifs ! « Il faut privilégier les prélèvements tissulaires, le curetage. Les prélèvements profonds sont plus fiables – biopsie de tissu sous-cutané ou aspiration à l’aiguille fine, en passant par une zone saine. L’interprétation des résultats microbiologiques doit avant tout tenir compte de la qualité du prélèvement, du délai et des conditions de transport du prélèvement au laboratoire, ainsi que du type et du nombre de bactéries différentes isolées », précise l’infectiologue.
Le retour des antiseptiques
En France, il n’existe pas de recommandations sur l’utilisation des antiseptiques dans la prise en soin des plaies chroniques, mais seulement des pratiques d’experts. Il est conseillé de nettoyer les plaies à l’eau du robinet.
Certaines bactéries résistantes, comme Pseudomonas aeruginosa résistant à la méthicilline et Staphylococcus aureus, peuvent se développer et survivre dans le sérum physiologique. « Devant l’émergence croissante de bactéries multirésistantes, on observe un retour des antiseptiques, notamment avec l’apparition d’antiseptiques de nouvelle génération », indique la Dr Nathalie Faucher (hôpital Bichat, AP-HP).
Certains pays, comme l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse en 2018, ont ainsi élaboré de nouvelles recommandations (Kramer A. et al) : en cas de plaie infectée, ils préconisent de privilégier les antiseptiques plutôt que les antibiotiques. Mais cette stratégie n’est jamais isolée, la plaie devant au préalable faire l’objet d’un lavage et d’une détersion. « Cependant, il existe peu d’études cliniques, la plupart étant in vivo ou sur des modèles animaux », pondère la Dr Faucher. Il n’existe également pas de consensus sur la durée du traitement ; en général, l’efficacité pour décider de son arrêt ou de sa poursuite est évaluée à deux semaines.
Les agents antiseptiques les plus couramment utilisés sont la povidone iodine (ou PVD-I, Betadine) et le polyhexaméthylène biguanide (PHMB).
La Betadine possède un spectre large (gram+, gram-, virus enveloppés ou non), des propriétés anti-inflammatoires, une absence de résistance et une faible cytotoxicité. Sa tolérance est bonne, avec cependant un risque de dysthyroïdie si elle est utilisée en grande quantité. Elle existe en solution, gel dermique à 10 % ou encore en compresses/tulles imprégnées.
Le PHMB est disponible en France sous la spécialité Prontosan Solution, non remboursée. Il possède également un large spectre (gram+, gram-, champignons, parasites et certains virus) et est indiqué dans les plaies chroniques colonisées, infectées. Il présente une action rapide, un effet rémanent et durable, une action sur le biofilm et un impact positif sur la cicatrisation.
Quant à la chlorhexidine, elle n’est pas adaptée aux plaies chroniques.
Épargner si possible les antibiotiques
« Chez les patients porteurs d’une plaie chronique, l’antibiothérapie doit être limitée aux situations avérées d’infection. Malheureusement, le diagnostic clinique est parfois difficile et il existe de nombreuses prescriptions inappropriées avec une durée prolongée, en conséquence de prélèvements mal interprétés et non recommandés », déplore la Dr Hélène Durox (Limoges). En l’absence de dermohypodermite ou de suppuration franche, le diagnostic d’infection bactérienne d’une plaie est difficile. Il est recommandé de l’évoquer en cas d’association de plusieurs signes cliniques : douleur inhabituelle au niveau ou en périphérie de la plaie, arrêt de la cicatrisation, tissu de granulation friable, aggravation de la plaie, signes généraux d’infection. À noter que l’aggravation de la plaie peut aussi être due à d’autres causes : absence de décharge, poussée œdémateuse, de cause ischémique, cancérisation, etc.
L’antibiothérapie locale n’a pas prouvé son intérêt, ni en préventif, ni en curatif. Par voie systémique, on doit privilégier les molécules ayant le spectre le plus étroit possible et pour une durée courte (en moyenne sept jours), en l’absence de complication associée.
L’antibiothérapie probabiliste de première intention sera orientée par la profondeur et l’ancienneté de la plaie, ainsi que par la présence ou non de critères de gravité et le terrain. Pour une plaie chronique de grade 3, on peut recourir à l’amoxicilline/acide clavulanique. Pour une plaie de grade 4, sans sepsis, amoxicilline/acide clavulanique IV. En cas de sepsis, pipéracilline/tazobactam + (lipo)glycopeptide ou linézolide.
« Afin d’épargner les antibiotiques, d’autres méthodes sont à l’étude : thérapeutiques anti-biofilm, plus ou moins combinées avec des agents antimicrobiens, peptides antimicrobiens, lumière bleue et oxygène hyperbare », cite la Dr Hélène Durox.
Quand les bactéries atteignent l’os
Les structures ostéoarticulaires sous-jacentes à la plaie peuvent être infectées suite à l’introduction de micro-organismes, à la faveur de la colonisation ou de l’infection des tissus mous sous-jacents. Plus la plaie reste ouverte et infectée longtemps, plus le risque d’ostéite sous-jacente est élevé.
L’ostéite est fréquente chez le patient diabétique : de 20 à 60 % des mals perforants plantaires (MPP) sont infectés. Il est ainsi recommandé de réaliser des radiographies standards du pied diabétique présentant une plaie compatible avec un diagnostic d’ostéite.
Il y a également un risque d’atteinte osseuse en cas d’escarre de décubitus : 17 à 32 %.
De très nombreuses bactéries peuvent être impliquées, y compris celles réputées à faible virulence, mais le staphylocoque doré domine largement. « L’examen de diagnostic microbiologique recommandé est la biopsie osseuse percutanée avec trajet en zone saine. L’ostéite n’étant jamais une urgence, l’important est de réunir les conditions optimales de prélèvement et d’attendre les résultats de l’antibiogramme afin de limiter l’émergence de souches résistantes », souligne le Pr Senneville.
La prise en charge des ostéites compliquant une plaie est souvent complexe. Le traitement médical repose sur l’antibiothérapie. Cependant, la chirurgie est indiquée en cas de collection purulente car les antibiotiques sont, dans ce cas, souvent inefficaces.
D’après la session plénière « Infection des plaies »
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