Toxicités podologiques des anticancéreux

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Publié le 13/03/2025
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Les traitements anticancéreux systémiques sont pourvoyeurs d’effets secondaires, notamment au niveau du pied (peau et ongles). Depuis mars 2024, deux soins de pédicurie sont remboursés sur prescription d’un oncologue.

Les facteurs aggravants peuvent être prévenus

Les facteurs aggravants peuvent être prévenus
Crédit photo : GARO/PHANIE

Dose-dépendantes et cumulatives, les toxicités podologiques des traitements anticancéreux sont principalement le syndrome main-pied, l’onycholyse et la paronychie ; à quoi s'ajoutent les autres toxicités dermatologiques : la xérose cutanée, les crevasses, l’hyperpigmentation, les dyschromies et les stries unguéales.

• Le syndrome main-pied se caractérise par une inflammation de la peau qui, dans les formes sévères, peut empêcher de marcher. Il peut être diffus (touchant l’ensemble de la plante des pieds), causé par les traitements antimétabolites (capécitabine) ou les anthracyclines (doxorubicine).

Les anti-angiogéniques (sorafénib, cabozantinib) quant à eux, sont surtout responsables d’un syndrome main-pied localisé, touchant uniquement les zones d’hyper-appui plantaire.

• L’onycholyse correspond à un décollement de l’ongle et peut conduire à sa chute. Elle est précédée par un hématome sous l’ongle. Cet effet secondaire est induit par les taxanes (docétaxel, paclitaxel).

• La paronychie est une atteinte du pourtour de l’ongle, induite par les anti-EGFR (osimertinib, cétuximab, amivantamab), qui peut apparaître rapidement.

« Comme tous les effets secondaires, les effets podologiques sont gradés selon la classification NCI-CTACE (version 6.0). Pour le grade 1, l’effet secondaire est léger, il ne nécessite pas de traitement spécifique et le diagnostic se fait à l’examen clinique uniquement. Pour le grade 2, l’effet secondaire est modéré, nécessite un traitement minimal local et interfère avec les activités de la vie quotidienne. Le grade 3 est sévère, invalidant et nécessite une hospitalisation. Au-delà, il s’agit d’une urgence », explique Hédi Chabanol (pédicure-podologue, Institut Curie).

Pédicurie et hydratation cutanée

L’hydratation cutanée et le soin des ongles (au beurre de karité) sont le meilleur moyen pour prévenir ces effets secondaires. Il faut également bien identifier les facteurs favorisants ou aggravants de l’état cutané plantaire (mauvais chaussant, zones d’hyperkératoses, coupe des ongles).

« Les traitements anticancéreux oraux se développent de plus en plus, et sont disponibles en ville. Il est donc important que le pédicure-podologue s’insère dans le parcours de soins du patient en ville pour prévenir, dépister les toxicités podologiques et alerter, le cas échéant, les équipes soignantes. Deux consultations de pédicurie (plafonnées à 30 euros) sont désormais intégralement remboursées sur prescription médicale. Le pédicure-podologue doit également être intégré dans les équipes soignantes hospitalières pluridisciplinaires », plaide Hédi Chabanol.

Une prise en charge graduée

La prise en charge du syndrome main-pied varie en fonction de son degré de sévérité. Au grade 1, l’hydratation cutanée avec une mise sous occlusion de l’émollient (30 minutes maximum) est nécessaire. Au grade 2, l’hydratation cutanée (semelles avec pansements hydrocellulaires) associée à l’application de dermocorticoïdes est conseillée. Au grade 3, en complément de ces mesures, il faudra modifier le traitement anticancéreux (diminution de posologie, pause).

En cas d’onycholyse, il faut assécher la lésion. Le pédicure-podologue peut aussi intervenir pour permettre une meilleure repousse de l’ongle en réalisant une onychoplastie (prothèse unguéale réalisée à l’aide d’une résine dentaire).

Au grade 1 de la paronychie, la surveillance doit être attentive. Au grade 2, il faut assécher la lésion, ajouter des dermocorticoïdes à activité forte et, si besoin, une cryothérapie. Au grade 3, il faudra modifier le traitement anticancéreux. L’antibiothérapie et la chirurgie sont exclues en première intention.

Communication de Hédi Chabanol (pédicure-podologue, Institut Curie) lors de la session plénière « Plaies du pied »


Source : Le Quotidien du Médecin