L’incidence des hémorragies digestives aiguës est en baisse depuis les années 2000. « Cependant, cette baisse n’est pas à la hauteur des progrès considérables obtenus dans le traitement des principales causes d’hémorragies digestives : la maladie ulcéreuse gastroduodénale et la cirrhose – prévention des hémorragies digestives par bêtabloquants, sclérothérapie. Ce paradoxe s’explique sans doute par la consommation croissante des AINS et par le vieillissement de la population présentant ces hémorragies », explique le Pr Dominique Pateron (chef de service des urgences, hôpital Saint-Antoine, Paris).
Le pronostic s’est amélioré, notamment grâce aux bonnes pratiques de prise en charge, à laquelle les urgentistes participent dans les premières heures, et aux progrès de l’endoscopie. Le remplissage vasculaire, élément fondamental de la prise en charge initiale, doit respecter les recommandations. « Deux grandes tendances se dégagent aujourd’hui : d’une part, des mesures spécifiques pour les malades atteints de cirrhose et d’autre part, une utilisation plus restrictive des transfusions sanguines », souligne le Pr Pateron.
Il faut absolument éviter la compensation excessive de l’hypovolémie chez le malade atteint de cirrhose. En effet, la correction complète de la perte volémique aboutit à une augmentation de la pression portale supérieure à celle qu’elle était au début de l’hémorragie, ce qui est un facteur de récidive hémorragique. Ainsi, la compensation des pertes sanguines doit être prudente et il faut interrompre le remplissage lorsque la pression artérielle moyenne est de 65 mmHg.
L’utilisation des vasopresseurs fait partie intégrante de la prise en charge initiale des hémorragies digestives aiguës liées à la cirrhose. « Ils doivent être débutés le plus tôt possible, idéalement au domicile du patient ou pendant le transport médicalisé sans attendre l’endoscopie : il s’agit d’un changement de pratique très important et, aujourd’hui, bien appliqué », ajoute le Pr Dominique Pateron. De même, les inhibiteurs de la pompe à protons à fortes doses peuvent être débutés précocement en cas de maladie ulcéreuse avec hémorragie active.
Enfin, on préconise actuellement une utilisation restrictive des transfusions sanguines dans les hémorragies digestives hautes. Un taux d’Hb égal à 7 à 8 g/dl est désormais considéré comme le seuil de transfusion, y compris chez les patients souffrant de maladies cardiovasculaires.
Les progrès de l’endoscopie
La performance diagnostique de l’endoscopie est liée à sa précocité et aux conditions dans lesquelles elle se réalise. Pour favoriser la vidange de l’estomac, avant l’endoscopie, on utilise aujourd’hui l’injection intraveineuse d’érythromycine qui a une action mimant la motiline.
La pose d’une sonde nasogastrique comporte des risques rares et est surtout un geste agressif. Les deux situations où son intérêt demeure indiscutable sont le doute diagnostique – lorsque l’hémorragie digestive n’est pas extériorisée – et la surveillance de l’activité pour les hémorragies les plus sévères (10-20 % des cas). « Dans une récente étude nationale organisée par la Société française de médecine d’urgence, portant sur les pratiques hospitalières de prise en charge des hémorragies digestives, les équipes ne posent une sonde gastrique que dans 20 % des cas », précise le Pr Dominique Pateron.
Par ailleurs, l’endoscopie hémostatique a diminué nettement les indications de la chirurgie d’hémostase des ulcères.
Enfin, le développement des scores pronostiques (score de Rockall par exemple) évaluant le risque de récidive hémorragique et de mortalité, prenant en compte des facteurs cliniques et endoscopiques, permet une meilleure orientation du patient, au terme de son passage aux urgences. Les patients les plus graves sont orientés vers la réanimation, alors que les moins graves peuvent bénéficier d’un retour précoce à domicile.
D’après un entretien avec le Pr Dominique Pateron, chef de service des urgences, hôpital Saint-Antoine, Paris.
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