Corticoïdes inhalés dans la BPCO

Savoir remettre en doute l’indication et sevrer les patients.

Publié le 28/09/2015
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Toute suspicion de syndrome obstructif impose une spirométrie

Toute suspicion de syndrome obstructif impose une spirométrie
Crédit photo : PHANIE

La sur-utilisation des CI s’explique pour le Dr Jébrak par « la méconnaissance des recommandations (HAS 2012) ; la confusion entre 2 maladies obstructives, l’asthme cortico-sensible où les 1ers médicaments de fond sont les CI, et la BPCO plus cortico-résistante, à traiter en 1er par bronchodilatateurs (BD) ; le manque de médicaments ayant une efficacité clinique rapidement perceptible par le patient BPCO ».

D’importantes doses inhalées

Un traitement inhalé semble anodin. « Les doses inhalées (en µg) paraissent faibles comparées aux posologies (en mg) par voie générale. Mais il y a un biais, alerte le Dr Jébrak. Les CI sont de puissants antiinflammatoires : 500 µg de fluticazone inhalée est une dose proche de 5 mg d’équivalent par voie orale. C’est loin d’être négligeable. »

Les recommandations françaises indiquent les CI dans la BPCO associant la triade obstruction sévère (VEMS ‹ 50 %) + exacerbations fréquentes (2 ou plus par an) + symptômes (essoufflement). « Un message brouillé par l’arrivée de CI ayant une AMM dans la BPCO modérée (VEMS› 50 %) et les recommandations anglo-saxonnes (1 seul élément de la triade suffit) pas toujours basées sur des preuves », précise le Dr Jébrak. Les effets secondaires locaux (mycoses, voix rauque) sont connus. « Les études récentes révèlent des effets secondaires bien plus graves : pneumonies (reconnues depuis l’étude TORCH…), infections à mycobactéries (tuberculeuses ou non, fragilité cutanée sources d’ulcères, ostéoporose, déséquilibre d’un diabète... », souligne le spécialiste.

« Toute suspicion de syndrome obstructif impose une mesure de la fonction respiratoire (spirométrie avec test de réversibilité) », indique-t-il. Elle affirme le diagnostic de BPCO, peut mettre en évidence un syndrome de recouvrement avec l’asthme (ACOS) et précise la gravité (indication ou non de conserver la CI). « La mesure du débit de pointe (sur les grosses voies aériennes) ne suffit ni à exclure la BPCO (qui débute au niveau des petites voies), ni à faire le diagnostic de gravité », rappelle le Dr Jébrak.

En absence d’indication, pas de risque à sevrer

Jusqu’aux années 2000, les études sur le sevrage en CI dans la BPCO retrouvaient un risque accru d’exacerbations, ce qui n’est plus le cas depuis les années 2010. Pour le Dr Jébrak, « les patients recrutés sont différents ; et nous avons à notre disposition des BD inhalés plus puissants ». Une méta-analyse récente montre que l’association de BD à doses suffisantes fait mieux que l’association CI + BD. Dans la BPCO sévère, l’étude WISDOM (NEJM 2014) montre que même chez des patients très sévères, il n’y pas d’accroissement du nombre des exacerbations en cas de sevrage en CI.

Beaucoup de patients BPCO peu obstructifs et sans exacerbations reçoivent des CI, ce qui les expose de façon inappropriée aux complications. Avant tout sevrage des CI, « il convient d’éliminer tout doute sur un asthme et de rechercher des épisodes d’exacerbations non rapportés (consultations d’urgences, auto-augmentation de traitement). Chez ces patients (VEMS› 50 %, pas d’exacerbation) des études pragmatiques (OPTIMO) confirment l’absence de risque au sevrage sous couvert d’un traitement BD suffisant », indique le Dr Jébrak qui rappelle que « l’éviction de produits toxiques inhalés (au 1er rang desquels figure le tabac) reste le meilleur traitement de l’inflammation bronchique ».

D’après un entretien avec le Dr Giles Jébrak, pneumologue, Hôpital Bichat.
Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du Médecin: 9436