Une sous-valorisation des actes

L’interventionnel reste trop disparate

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Publié le 03/02/2020
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Très inégalement répartie sur le territoire, la radiologie interventionnelle est quasi exclusivement pratiquée dans les centres de lutte contre le cancer, les CHU et quelques hôpitaux généraux.
Le coût des matériels ne suffit pas à expliquer la situation

Le coût des matériels ne suffit pas à expliquer la situation
Crédit photo : Phanie

« Dans le domaine de la radiologie interventionnelle, la France présente une particularité : elle compte de très bons opérateurs – reconnus dans les publications et les congrès internationaux – mais le nombre de centres où on la pratique reste au final assez limité. Dans beaucoup d’hôpitaux de villes moyennes ou dans les établissements privés à but lucratif, la radiologie interventionnelle n’est quasiment pas utilisée », résume le Pr Éric de Kerviler, chef du service de radiologie de l’hôpital Saint-Louis à Paris.

Historiquement, la radiologie interventionnelle s’est développée dans trois grands domaines d’activité : le vasculaire, la neurologie et l’oncologie. « Il y a 20 ans, on faisait beaucoup de radiologies interventionnelles vasculaires et de neuroradiologie interventionnelle. L’activité en oncologie était assez réduite. Aujourd’hui, tout a changé. La radiologie interventionnelle représente environ 80 % des publications ou des présentations dans les congrès. C’est une mutation profonde », souligne le Pr de Kerviler.

Un essor en oncologie

Aujourd’hui, la radiologie interventionnelle est d’abord utilisée pour faire des biopsies. « Dans les grands centres, toutes sont faites désormais par des radiologues interventionnels. Et cette activité se répète dans le temps. Avant, on voyait le patient une seule fois, en général au début de sa maladie. Mais aujourd’hui, avec les traitements ciblés, les patients vivent beaucoup plus longtemps. Et il arrive souvent qu’on voit revenir deux ou trois ans après un patient dont le cancer a redémarré. On refait alors une biopsie pour rechercher une nouvelle cible moléculaire en vue de l’administration d’un nouveau traitement », explique le Pr de Kerviler.

La radiologie interventionnelle est aussi très utilisée comme outil thérapeutique. « Le cas classique, c’est celui du cancer colorectal. Au départ, il peut y avoir une métastase au foie que le chirurgien va enlever en même temps que le cancer. Mais, si l’année suivante, une nouvelle métastase fait son apparition, alors on pourra la détruire grâce à la radiologie interventionnelle. Et là encore, on suit sur plusieurs années des patients qui, régulièrement, développent des métastases sur un organe ou un autre », souligne le Pr de Kerviler. Enfin, la radiologie interventionnelle peut être une arme pour soulager la douleur chez des patients qui, par exemple, développent des métastases au niveau des vertèbres. Du ciment peut alors être injecté pour traiter les fractures en consolidant les vertèbres.

Masse critique

Mais ces techniques sont utilisées de manière assez disparate sur le territoire. « Globalement, on trouve de la radiologie interventionnelle dans les centres de lutte contre le cancer, les CHU et quelques hôpitaux généraux. Mais, en dehors de ces établissements, cela est très peu développé. Régulièrement, je reçois des appels de collègues d’hôpitaux secondaires situés à 40 ou 50 kilomètres de Paris qui me demandent de prendre en charge un patient car personne ne fait de radiologie interventionnelle chez eux, indique le Pr de Kerviler. Selon lui, ce n’est pas le coût des matériels qui explique cette situation. Le coût est très abordable. Ce qui joue, c’est surtout le fait qu’on ne peut faire de la bonne radiologie interventionnelle que si on en fait beaucoup. Dans cette activité, la masse critique est cruciale. Et c’est un frein dans des hôpitaux secondaires. L’autre problème est que les actes sont très mal valorisés. De ce fait, le secteur privé à but lucratif investit peu ce domaine d’activité ».

Entretien avec le Pr Éric de Kerviler, chef du service de radiologie de l’hôpital Saint-Louis à Paris

Antoine Dalat

Source : Le Quotidien du médecin