À L’INSTAR des députés quelques semaines auparavant, les sénateurs ont hâtivement bouclé jeudi dernier l’examen en seconde lecture du projet de loi réformant l’hospitalisation d’office. Plusieurs parlementaires de l’opposition ont stigmatisé la volonté du rapporteur UMP, Jean-Louis Lorrain, « d’en finir au plus vite avec ce texte ». La commission des Affaires sociales de la Haute Assemblée a en effet décidé de ne plus modifier le projet de loi retouché fin mai en seconde lecture par les députés. Le texte doit « impérativement entrer en vigueur dès le 1er août prochain », a justifié Jean-Louis Lorrain, satisfait des « clarifications » et « améliorations » apportées en navette.
En séance plénière, les sénateurs ont donc vite fait d’achever l’examen du projet de loi. Émanant pour l’essentiel des sénateurs de l’opposition, les 78 amendements présentés en séance ont pour la plupart été méthodiquement rejetés par la majorité. Le seul amendement socialiste validé par le gouvernement articule « clairement » les modalités de soins sans consentement avec le dispositif de sectorisation psychiatrique. Cet amendement constitue « un signal d’apaisement bienvenu en direction de la communauté soignante et des usagers en psychiatrie, profondément attachée à la sectorisation psychiatrique et troublée par la manière dont ce dispositif est éludé par le projet de loi », considère le groupe socialiste.
Un amendement gouvernemental a par ailleurs été adopté pour tenir compte d’une nouvelle décision du Conseil constitutionnel publiée le 9 juin sur l’hospitalisation d’office à la demande du préfet. En cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet, une mesure d’hospitalisation complète ne pourra être maintenue qu’après un réexamen psychiatrique devant lui-même conclure au bien-fondé de la mesure. Dans le cas contraire, le préfet prononcera soit la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète, soit une mesure de soins ambulatoires. Pour les sénateurs de gauche, cet amendement est insuffisant pour préserver du risque d’inconstitutionnalité l’article 3 relatif à « l’admission en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l’État ».
« Cette loi aggravera l’état déjà misérable de l’accès aux soins en psychiatrie et de son dispositif mis à mal par les politiques qui lui sont appliquées depuis vingt ans », répète un collectif d’opposants au texte, dont les syndicats de psychiatres, qui réclame « un plan de financement d’urgence pour le soin en psychiatrie, relançant les politiques de formation et donnant aux équipes les moyens d’accueillir, de soigner et d’accompagner les souffrances psychiques ».
Quelle application ?
Le projet de loi doit sera examiné jeudi en commission mixte paritaire (CMP). A priori une formalité. Malgré une entrée en vigueur programmée le 1er août, de nombreux parlementaires doutent sérieusement de l’application effective à si brève échéance d’un texte qui suppose notamment une profonde réorganisation judiciaire. Appelant à la vigilance sur les conditions de mise en œuvre de cette législation, la commission des Affaires sociales du Sénat souligne que « la loi ne pourra être réellement applicable que si elle est accompagnée des moyens nécessaires au fonctionnement des nouveaux dispositifs qu’elle crée ».
Pour rappel, ce texte instaure des soins sans consentement à l’hôpital et en ambulatoire. Il intègre le contrôle de ces mesures de soins par le juge des libertés. Pour les patients déclarés irresponsables pénalement ou ayant séjourné en unité pour malades difficiles (UMD), l’examen de leur situation par le préfet et le juge devra même tenir compte de l’avis d’un collège de soignants et le recueil de deux expertises psychiatriques. Autant de nouveautés qui ne pourront voir le jour en seulement quelques semaines.
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