Une entité encore méconnue

Manger ou courir, il faut choisir

Publié le 09/05/2019
Article réservé aux abonnés

« Le premier cas d'anaphylaxie alimentaire induite par l'exercice physique (AAIEP) a été décrit en 1979 chez un marathonien de 31 ans, qui avait pour habitude de consommer des crustacés ou des mollusques avant les courses », a rapporté la Dr Pascale Beaumont (St-Maur-des-Fossés). Le diagnostic a été porté après une dizaine d'épisodes avec urticaire et angio-œdème sen fin de courses et deux réactions plus sévères ayant nécessité l'injection d'adrénaline. En l'absence d'exercice physique, ce patient pouvait consommer sans problème crustacés et mollusques.

Le blé est l'aliment le plus souvent en cause, par le biais des gliadines, surtout l'oméga-5-gliadine et d'autres protéines comme les LTP. « Mais il peut s'agir d'aliments aussi différents que le céleri, le riz, les tomates, les pommes, les poissons ou encore les fruits à coque », a précisé la Dr Beaumont. La réaction anaphylactique survient le plus souvent dans les 30 minutes suivant le début de l'exercice, jusqu'à 4 à 5 heures après l'ingestion de l'aliment. La séquence ingestion suivie de l'effort est la plus classique, mais dans certains cas c'est l'effort qui précède l'ingestion.

Tous les exercices n'exposent pas à ce risque : il s'agit le plus souvent de marche rapide, de course et d'aérobic, pratiquement jamais de vélo, de natation ou de ski alpin. Une phase prodromique est parfois rapportée, avec de la fatigue, une sensation de chaleur, un prurit, un érythème, ainsi qu'une phase tardive marquée par des céphalées pouvant persister jusqu'à 24 heures.

L'interrogatoire doit rechercher d'autres cofacteurs de l'allergie alimentaire (AA), tels que la fatigue et le stress, l'alcool, la fièvre, certains médicaments (AINS, IEC, IPP, bêtabloquants) ou encore les menstruations. L'effort (5 à 15 % de toutes les AA), vient en deuxième position après la fatigue (13 %).

Surveillance et éducation thérapeutique

La physiopathologie de l'AAIEP est encore mal précisée. Plusieurs hypothèses sont avancées : augmentation de la perméabilité intestinale à l'effort, passage accru des allergènes vers les mastocytes de la peau et des muscles, qui seraient d'un phénotype moins tolérant que les mastocytes du tube digestif, activation de la transglutaminase tissulaire à l'origine de conglomérats d'allergènes du blé, etc.

Le traitement est identique à celui de toute AA : adrénaline auto-injectable dès le grade 2, bêta-2 mimétiques et remplissage selon le degré de sévérité. « En raison du risque de réaction biphasique, il faut toujours hospitaliser le patient après une AA sévère et le surveiller au moins 12 heures, voire 24 heures s'il s'agit d'un enfant », a précisé la Dr Beaumont. Le dosage de la tryptase sérique dans les 30 minutes à 2 heures après le début des symptômes peut permettre de trancher en cas de doute.

Le bilan étiologique se fonde sur un interrogatoire minutieux, en s'aidant si besoin d'un journal alimentaire, la réalisation de tests cutanés orientés par la clinique, le dosage des IgE spécifiques. Une fois identifié de façon formelle, l'aliment ne devra pas être consommé dans les 4 heures (3 à 5 selon les auteurs) précédant ou suivant un effort physique intense.

L'asthme, facteur d'anaphylaxie sévère s'il est mal contrôlé, devra être équilibré chez le sujet atopique, pollinique, ce qui est le cas une fois sur deux. L'éducation thérapeutique est bien sûr essentielle.

Communication de la Dr Pascale Beaumont, St-Maur-des-Fossés

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9748