L’hôpital. Une belle invention. Trop dispendieuse, hélas…
Ce fut en ces termes chagrins qu’on nous annonça un jour la fermeture définitive du dernier hôpital public. Nous étions alors en 2102, pris dans une effroyable crise économique planétaire, mis K.O. par une dette globale dont le montant dépassait toute mesure. Il fallait voir notre effarement stupide devant les effets pourtant attendus du dérèglement climatique…
Durant des décennies, les dirigeants des nations s’étaient succédé, impuissants, désarmés, raillés par des peuples qui ne croyaient plus en rien, sinon aux valeurs du communautarisme et du do it yourself.
En réalité, il restait sur la surface du globe quelques établissements pratiquant une forme d’hospitalisation à l’ancienne. On les appelait les « Cliniques Life » ; des institutions ultramodernes autour desquelles régnait une troublante et constante opacité. Leur localisation même relevait du mythe.
Par ouï-dire, on savait que le prix du séjour y dépassait l’entendement. On racontait aussi que, sans exception, tous leurs patients en sortaient guéris sans rien pouvoir dévoiler des traitements qu’on leur avait prodigués. Car, selon la rumeur, un contrat de confidentialité était signé par le malade dès son admission dans l’établissement ; un engagement à vie qu’il aurait été bien dangereux d’enfreindre, disait-on.
Lorsqu’il tombait malade, le citoyen aux revenus ordinaires s’en remettait alors aux USDM, les fameuses Unités de Soin et de Diagnostic Mobiles, un bataillon d’énormes camions reconnaissables à de grosses croix rouges peintes sur leurs flancs immaculés. À l’intérieur s’y trouvaient tout le personnel et l’équipement nécessaires à la pratique de la médecine moderne, et inlassablement, ces valeureuses troupes sillonnaient en nomades les départements, les villes, les quartiers. C’était dans un de ces véhicules imposants que, trois mois auparavant, on m’avait opéré d’un genou salement amoché après une mauvaise chute en deux-roues électrique alors que je me rendais au travail.
Après l’intervention, qui se déroula dans les meilleures conditions, on me reconduisit chez moi où je fus chaperonné par un ASA (Aide Soignant Automatisé) mis à ma disposition par l’ASC (Autorité Sanitaire Citoyenne). Ce robot n’était pas de type humanoïde. Il se présentait sous la forme d’un gros cylindre blanc en matériau composite, d’une hauteur d’un mètre cinquante environ. De ce tube mobile surgissaient d’habiles bras télescopiques se dépliant ou se rétractant à volonté selon les besoins. Les échanges avec le malade se faisant par la voix, on me demanda de sélectionner un mode quand il me fut livré. Je pris l’option « Intonations féminines bienveillantes ».
Mon système immunitaire devait être affaibli par cette épreuve, car peu de temps après, je développai les symptômes de cette nouvelle maladie virale transmise du chat à l’homme. C’était une forme de grippe tenace générant des fièvres d’une intensité affolante ; les plus faibles n’y résistaient pas. Dans le monde, ce qu’on appelait communément la « grippe féline » avait déjà fait des millions de victimes, laissant le reste de l’humanité anxieuse, sans espoir de traitement préventif ou thérapeutique. La recherche d’un vaccin était en cours ; nous n’en étions qu’au stade des premiers essais. Peu concluants.
Depuis deux mois, je luttais contre cette affection et, incontestablement, ma combativité déclinait. Avec ces poussées de température éreintantes, je ne m’alimentais presque plus, ce qui me faisait perdre chaque jour un peu plus de forces et de poids. Pris dans cette spirale mortifère, je ne risquais pas de remonter la pente. Pour tout dire, je me savais condamné.
Prochain épisode dans notre édition du 4 avril
Frédéric Nox vit à Nice où il se consacre à l’écriture et à la restauration d’œuvres d’art. Se définissant comme « raconteur d’histoires », il avoue l’influence du cinéma sur son travail de narration. Il poursuit actuellement deux projets : un recueil de nouvelles inédites et un premier roman court.
Avec la collaboration de
Prochain épisode dans notre édition du 4 avril
Article précédent
# 3 : L’incroyable révélation
Article suivant
# 2 Oncle Boris
# 3 : L’incroyable révélation
1 # 2102
# 2 Oncle Boris
# 4 : Le Traitement universel
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série