Après une nuit particulièrement pénible durant laquelle je fus pris d’affreuses quintes de toux, mon ASA me porta en bas de l’immeuble où patientait une ambulance autonome sans conducteur. Il était 6h57. Une porte latérale coulissa révélant un personnage en combinaison de protection qui m’aida à monter et à m’allonger sur une couchette. Cela me paraissait impossible, mais quand au démarrage j’aperçus mon robot laissé seul comme une âme en peine sur le trottoir, un pincement au cœur me fit comprendre que j’avais noué avec cette machine extraordinairement dévouée un véritable lien d’affection.
Quel chemin empruntâmes-nous pour gagner cette base aérienne ? Les vitres qui s’obscurcissent peu à peu jusqu’à l’occultation complète m’empêchèrent de le savoir. Un moment, je sentis une décélération puis nous restâmes à l’arrêt quelques secondes. Le véhicule dut être directement transféré dans un avion car je perçus ensuite la montée en puissance d’un son aigu provenant d’un moteur à réaction. Incapable de surmonter ma fatigue, je m’endormis en frissonnant.
Lorsque je repris conscience, j’étais installé dans un couchage douillet sous le regard vigilant d’un médecin assis non loin du lit.
— Comment vous sentez-vous ? demanda-t-il en rapprochant sa chaise.
— Pour être franc, au bout du rouleau… murmurai-je d’une curieuse voix éraillée.
L’homme en blouse blanche me tendit une tablette numérique ; sur son écran figurait un long texte.
— Vous sentez-vous en mesure de lire notre charte de confidentialité ? Votre accord est indispensable pour la poursuite du protocole.
D’un mouvement de tête silencieux, je lui adressai un signe de négation. Je n’aurais pu concentrer mon attention sur le moindre mot écrit.
— Je vais dans ce cas vous en énoncer les termes principaux. S’ils vous agréent, vous appliquerez simplement la main droite sur l’écran qui scannera vos empreintes digitales en guise de signature.
— Inutile de vous donner cette peine, lui répondis-je. Compte tenu de mon état, je vous donne dès maintenant cet accord. Où sommes-nous ? demandai-je en plaçant ma main fiévreuse sur la tablette qui s’éclaira tout à coup d’une lumière vive avant de s’éteindre.
— Vous êtes en mer du Nord, sur une barge offshore située au large de Durness, en Ecosse. Tout porterait à croire que l’on y extrait du pétrole brut. Ce dispositif est en réalité ce que nous appelons ici, entre nous, une « rampe ».
— C’est-à-dire ?
— Une plateforme de traversée temporelle. Monsieur Mayer, pardonnez-moi, mais il va falloir que je vous donne un petit cours d’Histoire. Sauf que cette Histoire-là ne se limite pas au passé. Elle prend aussi en compte le présent. Et surtout… le futur.
— Je vous écoute, soufflai-je ébahi.
— Commençons par le début. 2088. En Suède, des chercheurs en gravité quantique ont réalisé en secret ce qui jusqu’alors relevait de l’utopie la plus folle : l’aller-retour dans le temps d’une masse vivante ou inerte sans la moindre conséquence dommageable pour sa structure moléculaire. Des essais se sont ensuite multipliés, jusqu’à l’expérimentation sur l’Homme qui s’est révélée parfaitement concluante. Après d’interminables et discrètes réunions du Haut Comité d’Ethique Scientifique, on a enfin accepté la possibilité d’aller chercher dans le futur les traitements aux pathologies graves que nous ne pouvons guérir aujourd’hui en 2102. Et c’est en faisant un bond jusqu’en 2278 que nous les avons trouvés. Êtes-vous prêt à entendre la suite, monsieur Mayer ? Car le plus stupéfiant est à venir.
Prochain épisode dans notre édition du 18 avril
Frédéric Nox vit à Nice où il se consacre à l’écriture et à la restauration d’œuvres d’art. Se définissant comme « raconteur d’histoires », il avoue l’influence du cinéma sur son travail de narration. Il poursuit actuellement deux projets : un recueil de nouvelles inédites et un premier roman court.
Avec la collaboration de
Article suivant
1 # 2102
# 3 : L’incroyable révélation
1 # 2102
# 2 Oncle Boris
# 4 : Le Traitement universel
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série