Médecin de campagne(s)

#1 Un nouveau départ

Publié le 17/05/2018

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« Assassinat au motel de Pouilly-sur-Loire : un serial killer dans la région ? »

Le gros titre en une de la Dépêche du Nivernais avait retenu l’attention de Romain. La veille, la gendarmerie lui avait demandé de venir constater le décès ; dernier arrivé à la maison médicale du bourg, il s’était exécuté sans faire de commentaires. Il paya son café et longea la rue principale jusqu’à son nouveau lieu de travail. Il contempla un instant la plaque fixée à côté de l’entrée, sa première plaque.

Il allait trouver ses marques, démarrer une autre vie, tourner la page. Les cauchemars récurrents qui hantaient ses nuits depuis son retour allaient disparaître ici, il s’en était persuadé. Ils étaient peuplés de cris, d’appels à l’aide et de corps ensanglantés. Il revoyait des visages terrorisés dans la poussière aride. Il ressentait la chaleur suffocante de là-bas et se réveillait en sursaut, baigné de sueur et d’angoisse. S’il criait dans son sommeil, il n’y avait personne à côté de lui pour le dire. Cela faisait une semaine qu’il était installé en bord de Loire et les cauchemars l’épuisaient.

Tout s’était fait très vite, il avait répondu à une annonce parue dans le Quotidien du Médecin. « Maison médicale recherche médecin généraliste, quelques années d’expérience, travail en équipe, région viticole agréable en bord de Loire… ».

L’échange avait eu lieu au téléphone avec le dentiste, Jean. Un bavard qui en faisait des tonnes pour lui vendre le cabinet et la Loire : Sancerre n’était pas loin, le vignoble de Pouilly donnait un excellent vin au goût de pierre à silex. Il raconta le médecin parti en retraite en début d’année, l’autre généraliste, une jeune femme du pays d’une trentaine d’année qui ne s’en sortait pas toute seule malgré sa bonne volonté. Un kiné aussi, deux infirmières et lui, formaient une vraie équipe… Romain n’avait pas posé de questions. Il acheva de séduire son interlocuteur quand il déclara être disponible sans délai.

Jean était ravi, il s’excusa d’avoir autant parlé. Dans son métier, on discutait peu avec les patients et lui, il aimait le dialogue et les gens. D’ailleurs, il se présenterait certainement aux prochaines municipales… Saisi d’un doute, il réexpliqua les modalités financières de l’association, le rachat des parts. Romain n’écoutait plus, il était d’accord pour arriver le plus tôt possible. À Paris, il se sentait en transit et avait besoin de stabilité loin du bouillonnement de la ville. Le dentiste, d’une famille de vignerons, avait transformé une grange où son grand-père entreposait son matériel, quai du Docteur Sébillotte : des murs épais, des poutres, une cheminée et une vue imprenable sur le dernier fleuve sauvage d’Europe. « Vous verrez, du quai, la Loire est magnifique et si vous aimez les oiseaux… un couple de hérons est installé sur une île juste en face. Ce sera idéal pour vous installer. »

Il lui était déjà sympathique, ce dentiste qui en faisait trop et qui lui avait trouvé un toit. La ruralité en faisait fuir beaucoup, mais Romain se sentait maintenant l’âme d’un médecin de campagne. Il avait hâte de découvrir ses nouveaux collègues et les patients qui vous reconnaissent dans la rue et vous disent bonjour en échangeant quelques mots. Consultations au cabinet le matin et visites à domicile l’après-midi : une vie bien réglée, tranquille et sans surprise, laver son regard dans la contemplation de la nature, retrouver la paix… Et peut-être que ses maudits cauchemars disparaîtront…

Il avait conservé le journal sous son bras. Un « serial killer », les journalistes ont trop d’imagination…, pensa-t-il.

Prochain épisode dans notre édition du 24 mai

Christian Pluche : À l’âge de quatre ans, Christian Pluche découvre les livres avec Les ratons laveurs et l’île au trésor que lui lisait sa grand-mère. Depuis, la littérature ne l’a plus quitté ! Elle alimente ses rêves d’enfant encore aujourd’hui, il les met à exécution dans sa vie d’adulte et dans ses écrits dès que possible.

Avec la collaboration de