Médecin de campagne(s)

#2 Les larmes de Julia

Publié le 24/05/2018

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« La victime du motel était dépressive. Mauvais remake de Psychose en bord de Loire ? » Julia, la secrétaire, parcourait le gros titre du journal posé à l’accueil de la maison médicale. Elle refoula quelques larmes à l’arrivée de Romain. C’était son amie d’enfance, Mélanie, qui faisait l’actualité, elles se connaissaient si bien… La sœur de Julia, la gérante du motel, lui avait raconté l’attitude de Romain sur la scène du meurtre, ses gestes précis et routiniers, son détachement face à cette mort violente. Il avait dû en voir…

― Bonjour Julia. Ah, encore l’affaire du motel…

Romain ne comprenait pas pourquoi la presse accordait tant d’importance à un simple fait divers. Il avait vécu tant d’horreurs… Le dentiste lui avait dit que Julia connaissait bien la victime ; la question qu’elle posa ne le surprit donc pas.

― Bonjour Romain. Elle… elle a souffert ?

― Je ne pense pas, une balle en plein cœur, pas de peur sur son visage, elle connaissait le meurtrier, son regard… son regard était confiant.

Il se voulait rassurant dans son explication, mais lorsque Julia rougit et laissa couler des larmes, Romain se reprocha intérieurement sa froideur. Il était juste capable de tendre un mouchoir, elle enchaîna pour se donner une contenance : « Dire qu’elle est encore passée ici la semaine dernière pour un rendez-vous avec Camille… ».

Au téléphone, Jean lui avait parlé de Julia comme de la « plaque tournante » de la maison médicale. Elle connaissait tout le monde, les patients aimaient discuter avec elle, ils parlaient du temps, de leurs petits problèmes, du quotidien… ou du nouveau médecin.

Elle savait que Romain avait libéré le dentiste d’un poids. Les candidats ne se bousculaient pas. Jean avait terminé la communication téléphonique avec lui le sourire aux lèvres, il était ravi de partager la bonne nouvelle avec elle : un deuxième médecin ! Jean avait simplement dit qu’il était engagé dans l’humanitaire depuis quelques années et qu’il voulait tourner la page.

Quand Romain avait franchi la porte la première fois, la secrétaire l’avait trouvé à son goût et lui avait souri. Il avait posé une vieille sacoche en cuir balafré et fatigué. « Bonjour, vous devez être Julia ? Je suis le nouveau médecin, Romain. » Elle avait été frappée par son regard perdu. Il donnait envie de le protéger malgré la force qui émanait de sa personne. Elle en avait parlé à son mari le soir même ; protéger un homme, c’était bien des idées pour sa rêveuse de femme… Pour la taquiner il ajouta : « Tu ne trouves pas bizarre ce meurtre au motel, juste quand ton médecin sans défense et à protéger vient s’installer ? » Il avait son regard malicieux et elle ne répondit pas. N’empêche…

Romain avait déjà son planning bien rempli. Camille la docteure attendait ce renfort pour ne plus finir ses journées à pas d’heure. Elle espérait revenir à une vie normale, sans cette fatigue persistante qui n’était pas bon signe.

C’était le vieux Perlot qui fut le premier patient de Romain ce jour-là. On ne lui donnait plus d’âge, toujours habillé d’un bleu de travail, une casquette rivée sur le crâne, il n’avait pas apprécié d’être reçu en consultation par « le nouveau ». Il venait pour ses rhumatismes et pour le reste, il se débrouillait. Le reste… son visage rougeaud et couperosé parlait de lui-même et Romain ne posa pas de questions ; la prochaine fois peut-être… Ne devait-il pas protéger la vie ? Le vieux Perlot sortit du cabinet médical en faisant un clin d’œil à la secrétaire : « L’a pas l’air mal le jeunot, faut qu’y reste ! » Julia approuva avec chaleur, mais allait-il rester dans leur équipe ?

Prochain épisode dans notre édition du 31 mai

Christian Pluche : À l’âge de quatre ans, Christian Pluche découvre les livres avec Les ratons laveurs et l’île au trésor que lui lisait sa grand-mère. Depuis, la littérature ne l’a plus quitté ! Elle alimente ses rêves d’enfant encore aujourd’hui, il les met à exécution dans sa vie d’adulte et dans ses écrits dès que possible.

Avec la collaboration de