Médecin de campagne(s)

#4 La vérité a-t-elle un goût de silex ?

Publié le 07/06/2018

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« Le tueur est une tueuse ! La piste d’un crime passionnel est soulevée : peine maximale requise par le procureur. »

Affaire résolue, songea Romain. Il avait lu le gros titre au café. Il commençait à apprécier l’ambiance de l’endroit resté « dans son jus ». Il avait plutôt bien dormi la nuit dernière. Pas de cauchemars et le dos soulagé, Thomas et ses mains comme des battoirs avait fait des miracles !

Camille était à l’accueil, occupée à écouter les messages téléphoniques laissés sur le répondeur. Elle était très pâle et visiblement bouleversée.

― C’est le mari de Julia qui a laissé un message très tôt chez moi. Ils l’ont arrêtée hier dans la soirée, elle a tout avoué. Je viens à peine de rentrer de chez eux, il avait vraiment besoin d’un tranquillisant.

Elle répéta ce qu’il lui avait raconté ; Julia vivait une passion amoureuse avec Mélanie depuis toujours. Il était au courant bien sûr, mais il aimait sa femme… Elles se voyaient au motel et la sœur de Julia était aussi dans la confidence.

Mélanie était venue en consultation la semaine dernière pour des résultats d’analyse à commenter. Julia a rangé les documents dans son dossier, elle n’a pu s’empêcher d’y jeter un œil. Elle a eu un choc, maladie orpheline, on n’en guérit pas…

Alors elle a pris sa décision pour que Mélanie ne souffre pas. D’où le rendez-vous au motel, comme à leur habitude. Mélanie connaissait son assassin, c’est pour ça qu’elle était détendue et apaisée, elle ne s’est doutée de rien…

Romain ne savait que répondre. Jamais Camille n’avait échangé avec lui. Elle se sentait désarmée, pourtant elle en avait vu d’autres depuis son installation juste après son internat. Une jeune femme seule qui fait un métier encore jugé masculin par les plus anciens, cela ne lui avait pas facilité la vie, même si elle était du pays.

Romain la trouvait plutôt jolie, Camille, mais elle était tellement accaparée par le métier qu’elle semblait inaccessible. Et puis quand on parcourt le monde dans l’urgence, on s’habitue aux brèves rencontres, aux aventures sans lendemain parce qu’on ne sait pas s’il y en aura un, de lendemain…

Mais là, en terre berrichonne où planait l’ombre de Georges Sand et de Chopin, ce genre d’aventure lui semblait impossible, pas avec quelqu’un qu’il côtoierait de longues années…

Sur des sites de rencontres, il avait bien discuté avec PouYi de la Loire : avec un tel pseudo, c’était forcément quelqu’un du bourg… Quand des patientes se présentaient en consultation et pouvaient correspondre au profil, il les observait avec curiosité. Lui avait opté pour un pseudo peu original, Silex… mais les échanges s’étaient interrompus très vite…

Il avait encore besoin de se laver l’âme et les yeux, peut-être ira-t-il courir dans les vignes avec le kiné, un peu d’exercice le dérouillerait et ferait disparaître définitivement ses cauchemars.

Devant son silence, Camille se reprit :

― Bon, il va falloir nous organiser maintenant, sans notre Julia… Jean va s’y coller pour le recrutement, en fait il adore ça… Allez, au boulot ! La salle d’attente commence à se remplir…

― On pourrait peut-être partager un verre après la journée qui nous attend ? J’ai découvert un Pouilly au goût prononcé de pierre à fusil et de silex.

Elle sursauta à ce mot de silex et Romain feignit de n’avoir rien remarqué… Ses cauchemars ne reviendront plus, il en est maintenant certain.

Prochaine histoire courte dans notre édition du 15 juin

Christian Pluche : À l’âge de quatre ans, Christian Pluche découvre les livres avec Les ratons laveurs et l’île au trésor que lui lisait sa grand-mère. Depuis, la littérature ne l’a plus quitté ! Elle alimente ses rêves d’enfant encore aujourd’hui, il les met à exécution dans sa vie d’adulte et dans ses écrits dès que possible.

Avec la collaboration de