Médecin de campagne(s)

#3 Ici, tout le monde connaît tout le monde

Publié le 31/05/2018

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« L’enquête sur le tueur du motel piétine… »

Thomas, le kiné, attendait le premier patient en sirotant un café à l’accueil de la maison médicale. Julia classait des dossiers, des résultats d’analyse. Le temps était bon pour les travaux de la vigne.

― Bonjour Romain, tu as vu le titre ce matin ? Ça fait froid dans le dos ce tueur en liberté. Tu avais vu le corps de la victime, Mélanie, t’en penses quoi ? Ça ne va pas ?

Romain ne répondit pas, le visage tordu par une douleur fulgurante qui revenait à la charge. Après une nuit peuplée de cauchemars d’anciens patients comme des nouveaux, tous lui demandant de l’aide, lui restait immobile et muet, paralysé. Ce mal de dos à hurler n’était vraiment pas le bienvenu !

― Thomas, tu pourrais t’occuper de mon dos en compote ? J’ai pas mal de consultations à domicile et la voiture n’arrange rien. Je vois la vieille Edmée, ridée de bonheur comme une vieille pomme, elle n’a pas d’âge et rentre encore son bois pour se chauffer. Mon dos est en plus mauvais état que le sien…

― Normal une douleur pareille quand on a beaucoup encaissé ! En avoir plein le dos, l’expression a du vrai et résume bien des vies. Allez, suis-moi, je vais essayer de soulager la mécanique.

Il chauffa, massa et vit les cicatrices sans poser de questions. Il n’y a que des balles et des éclats métalliques pour laisser des traces pareilles…

Pendant qu’il allongeait le médecin sur la table, ils échangèrent des banalités, et Romain l’interrogea sur Camille, l’autre généraliste. Thomas répondit avec sa spontanéité :

― Jolie femme pas vrai ? Mais très boulot boulot ! Camille, c’est une fille d’ici, douée dans ses études, elle aurait pu faire une spécialisation prestigieuse ou de la recherche, mais elle croit à sa mission de médecin de campagne. Ses patients l’adorent. Une semaine avant sa mort, Mélanie était venue en consultation, ça fait tout drôle d’y penser…

― Ici tout le monde connaît tout le monde, ça finit par être un peu… étouffant non ? Mélanie meurt dans un motel un peu isolé, comme si elle y avait rendez-vous. La gérante du motel est la sœur de Julia, qui est elle-même la meilleure amie de la victime. Camille est son médecin et elle passe ici quelques jours avant de disparaître. Seule, indispensable secrétaire de mairie, elle avait une vie sans histoire… Tu la connaissais pas un peu Mélanie, toi aussi ?

― Pas plus que ça, et si tu veux savoir c’était pas mon genre ! Je n’ai pas vraiment de genre en fait mais je n’aurais pas essayé… Et ce n’est pas non plus mon genre de donner rendez-vous dans un motel… Avec la sœur de Julia qui en est gérante, c’était pas vraiment discret. Elle n’a rien dit aux gendarmes d’ailleurs ? C’est surprenant qu’elle n’ait vu personne rôder près de la chambre du motel. Au fait, si je te retape le dos, tu pourrais venir courir, tu as la morphologie d’un fondeur. On pourrait commencer raisonnable, et après pourquoi pas préparer un semi-marathon, qu’est-ce que t’en dis ?

Romain ne répondit pas. La détente musculaire et la chaleur l’avaient plongé dans un sommeil apaisant et pour une fois sans rêves. Thomas sentait une énergie nouvelle circuler dans ce corps endormi et en paix avec lui-même. Il était bien placé pour savoir qu’on sent beaucoup de choses avec les mains, et il avait senti le corps noué et nerveux se détendre peu à peu. Peut-être que les cauchemars de Romain allaient disparaître pour de bon ?

À côté du logement de ce dernier sur le quai du docteur Sébillotte, il y avait la cave familiale de Perlot, son premier client vu en consultation pour des rhumatismes.

Bourru, celui-ci était venu frapper à sa porte : « Demain on met le vin en bouteille, si ça vous dit de passer à la cave et de goûter… » Et il avait fait demi-tour. Romain sourit, il était accepté dans le village…

Prochain épisode dans notre édition du 7 juin

Christian Pluche : À l’âge de quatre ans, Christian Pluche découvre les livres avec Les ratons laveurs et l’île au trésor que lui lisait sa grand-mère. Depuis, la littérature ne l’a plus quitté ! Elle alimente ses rêves d’enfant encore aujourd’hui, il les met à exécution dans sa vie d’adulte et dans ses écrits dès que possible.

Avec la collaboration de