HISTOIRES COURTES - Le laboratoire du sommeil

Disparitions curieuses (2)

Publié le 10/09/2015
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Par Jeanne Mazabraud

La clinique était réputée, tout autant que Dean B.. La police s’était donc efforcée de se faire discrète, épargnant la stridence des sirènes. Il n’en régnait pas moins un beau remue-ménage lorsque Georges rejoignit le hall. Fred, le technicien qui avait constaté le décès, était le centre de toutes les attentions. Un enquêteur l’avait isolé pour l’interroger sur les circonstances exactes du décès.

Jacky, la veuve de Dean B., tous voiles dehors, n’avait pas mis longtemps à endosser son nouveau rôle. Elle s’était empressée de convoquer un lawyer qui fourbissait déjà ses arguments pour attaquer l’établissement rendu d’emblée responsable du décès. Les enfants d’un premier lit, qui vivaient sur la Côte Ouest, étaient attendus en fin de matinée. Ils engageraient vraisemblablement eux aussi une procédure. On allait traverser des turbulences. Un peu de battage médiatique autour de l’affaire risquait de mettre en péril la réputation, pourtant solide, du laboratoire.

Georges interrogea ses collègues : pourquoi n’avait-on pas accès au corps de Dean B. ? La police scientifique s’affairait, lui dit-on, dans la chambre qu’avait occupée l’avocat. Aucun membre de la clinique n’y était admis pour l’instant.

Tout se passait comme si la conduite des événements échappait au personnel médical et même au staff de la clinique. Il n’était que quatre heures du matin. Les autres patients étaient censés subir les tests jusqu’à huit heures. Georges vérifia la liste des hospitalisés de la nuit. Sur les onze chambres, cinq seulement étaient occupées. Deux apnéiques dont c’était le premier sleep test ronflaient au bout du couloir. Le brouhaha n’avait apparemment pas interrompu le rythme erratique de leur respiration. Outre l’habitacle réservé à Dean B., les deux autres malades n’étaient autres qu’Alex G., le petit rouquin, et l’obèse Francis K.. Georges, sans réfléchir, s’engouffra dans le couloir du laboratoire à leur recherche… Impossible que le bruit ne les ait pas perturbés. Dans le cas d’Alex G. il craignait l’effet dévastateur que pourrait avoir la découverte de la mort d’une personne que l’adolescent connaissait, même s’il n’existait – c’est le moins qu’on puisse dire – aucun rapport d’affection entre eux. Quant à Francis K., on ne pouvait prévoir l’impact. Tout dépendait de la phase dans laquelle se trouvait le patient.

Georges constata rapidement que les deux chambres étaient vides ! Avant d’inquiéter le reste du staff, il s’assura rapidement qu’ils n’avaient pas trouvé refuge dans les stalles vacantes. Force était de constater qu’ils s’étaient envolés tous les deux, à l’insu du technicien submergé par les événements, mais aussi au nez de la sécurité. L’un des policiers stationnés dans le lobby se souvint avoir vu passer le petit rouquin. Quant à Francis K., mystère.

On verrait plus tard. La première des choses était de vérifier la cause du décès de Dean B.. Les enregistrements devraient fournir de précieuses informations. Georges se rendit dans la cabine technique, mais l’électroencéphalogramme et l’électrocardiogramme du mort avaient été récupérés, vraisemblablement par la police. Il aurait dû y penser. En revanche, les enregistrements des deux ronfleurs se poursuivaient sans discontinuer. Ceux de Francis K. et d’Alex G. étaient encore en place. Par curiosité médicale, Georges commençait à les examiner lorsqu’un détail attira brusquement son attention.

 

Prochain épisode dans notre édition du 17 septembre


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Source : Le Quotidien du Médecin: 9431