Par Jeanne Mazabraud
À l’instant où il allait appeler un confrère pour lui faire part de son observation, Georges vit Fred happé dans le couloir par un policier en surpoids.
L’enquêteur procédait maintenant aux auditions et en tant que témoin de première main, Fred devait être entendu le premier. Il a donc expliqué avoir suivi la routine : accueil des patients, pose des électrodes, vérification du bon fonctionnement des appareils. Le jeune Alex G., pour une fois, s’était montré coopératif. Tout s’était bien passé aussi avec Francis K.. Et les deux nouveaux s’étaient montrés particulièrement dociles. Quant à DeanB.… À son habitude, l’avocat s’était comporté avec froideur et arrogance. On se demandait, pensait Georges in petto, pourquoi ce genre de personnage s’imposait la corvée d’une nuit au labo dont il ne tirerait que peu de profit. Ce juriste habitué à analyser avec finesse et intelligence les cas les plus complexes changeait totalement d’attitude lorsqu’il s’agissait de sa santé. Il vitupérait, refusait de suivre les traitements prescrits. Hormis un usage intensif et constant de zolpidem, Dean B. ne voulait rien entendre. Toujours est-il qu’il avait quand même pris place dans sa chambre.
Compte tenu du nombre restreint d’hospitalisations cette nuit-là, un seul technicien était affecté au laboratoire. Fred, une fois les cinq patients installés, avait pris place dans la salle de contrôle d’où il surveillait l’évolution du sommeil de chacun d’eux. À trois heures moins le quart, Alex G. avait traversé sa première crise de somnambulisme, en phase de sommeil profond. L’EEG, consulté par Georges, le montrait nettement. Alex G. s’était déplacé, vraisemblablement dans le couloir. Selon Fred, rien d’anormal ou de violent ne s’était produit bien qu’il ait entendu un bruit « comme quelqu’un qui trébuche ou se cogne dans un meuble ». À partir de trois heures, le technicien, alerté par les bips de détresse émanant du corps de Dean B., s’était entièrement concentré sur son patient, intervenant d’abord à partir de sa salle de contrôle pour vérifier que toutes les électrodes étaient correctement branchées. Cinq minutes s’étaient écoulées avant que Fred – enfin pleinement conscient du drame qui se jouait – n’alerte le médecin de garde. Trop tard. Dean B. s’en était allé ad patres.
Et Francis K. ? Le narcoleptique avait rapidement atteint sa phase de sommeil paradoxal ; mais, vers trois heures, heure fatidique, l’enregistrement montrait que le patient était totalement éveillé ! Telle était la conclusion de Georges dont il tenait particulièrement à s’entretenir avec un confrère ainsi qu’avec Fred, certes monopolisé par le cas Dean B., mais seul technicien présent au laboratoire et, à ce titre, censé surveiller l’ensemble des hospitalisés. Qu’avait fait Francis K. pendant cette période ? Avait-il quitté sa chambre ? Dans quel but ? Généralement les patients débranchaient leurs électrodes, avec ou sans aide, une ou deux fois par nuit pour se rendre aux toilettes. Peut-être était-ce tout bêtement le cas ? Mais pourquoi disparaître en pleine nuit sans prévenir ? Avait-il entraîné dans sa fuite le jeune somnambule ?
L’imagination de Georges bouillonnait, bien loin de la froideur clinique dont il faisait preuve habituellement dans l’exercice de son métier. Il tenait une piste, il le sentait. Il ne pouvait pas garder ces réflexions pour lui. Et tant pis si on se moquait de ses élucubrations. Un homme était mort. Deux patients avaient disparu. Il ne pouvait pas rester inactif.
Avec la collaboration de

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