Depuis 40 ans, la photocoagulation panrétinienne (PPR) au laser est la référence pour la prise en charge de la rétinopathie diabétique (RD) proliférante, ou non proliférante sévère. La RD se caractérise volontiers par le développement de néovaisseaux sur la rétine, susceptibles d’entraîner hémorragies intravitréennes (HIV) et décollements de rétine. Les grandes études multicentriques américaines ont montré que la PPR réduit de plus de 50 % le risque de cécité à cinq ans, permet la régression des néovaisseaux prérétiniens (NVPR) et prépapillaires (NVPP) dans 70 à 90 % des cas. La PPR inverse la balance angiogénique et constitue le seul anti-VEGF permanent. Elle peut toutefois s’associer à des séquelles permanentes, comme la diminution du champ visuel, et n’évite pas toujours le recours à la chirurgie. « Nous devons toujours expliquer à nos patients qu’on va essayer d’éviter la chirurgie, que la PPR est une première étape, souvent suffisante et jamais inutile, car elle facilite la vitrectomie et améliore les résultats chirurgicaux », insiste le Dr Mohamed Bennani (Casablanca, Maroc).
Comparaison n’est pas raison
Les injections intravitréennes (IVT) d’anti-VEGF − bévacizumab, ranibizumab et aflibercept − avaient montré une certaine efficacité dans l’œdème maculaire diabétique et le débat a longtemps porté sur leur place éventuelle dans la stratégie thérapeutique. Jusqu’à ce qu’en 2005, une étude conclue un peu rapidement à leur supériorité dans la RD. Cet essai, ou « protocole S », a comparé la PPR et les IVT de ranibizumab dans la RD, en termes d’impact sur l’acuité visuelle et de recours à la vitrectomie.
Les résultats à cinq ans ne montrent pas de différences significatives entre les deux bras sur l’acuité visuelle, ni sur le champ visuel ; on retrouvait un peu plus de vitrectomies dans le bras PPR, mais l’étude présentait un biais à ce sujet. Par ailleurs, le nombre de perdus de vue était plus élevé dans le groupe IVT, les complications à type de rubéose irienne (néovascularisation irienne) et de glaucome néovasculaire (GNV) étaient plus nombreuses sous anti-VEGF (aucune n’étant observée après PPR) ; enfin, le nombre d’hémorragies intravitréennes était de 50 % dans les deux groupes, alors qu’elles sont habituellement autour de 7 % après PPR, ce qui témoignait de PPR incomplètes et ne correspondant pas à une bonne pratique. « On pouvait conclure, de façon évidente, factuelle et raisonnable que les anti-VEGF étaient décevants. Mais les auteurs de l’étude ont conclu un peu rapidement au contraire, qu’ils constituaient une option dans le traitement de la RD », remarque le Dr Bennani.
« Les anti-VEGF n’ont qu’un effet suspensif sur la néovascularisation, il y a récidive lors de l’arrêt ou de l’espacement des IVT. Ils sont coûteux, et ils n’ont été comparés qu’à des PPR légères, ne correspondant pas à la pratique », renchérit la Pr Anissa Barkat (Alger, Algérie).
Un protocole à la carte
Une bonne PPR est celle qui inverse la balance angiogénique, et qui doit être adaptée à l’âge, au type de diabète, au stade évolutif de la RD et à la présence de facteurs aggravants ; elle doit donc être faite à la carte. La PPR n’est pas urgente si la RD est non proliférante ou avec une prolifération minime ; elle doit être débutée dans la semaine en cas de RD proliférante modérée à compliquée, et de façon très urgente en cas de rubéose irienne, de GNV, ou de RD floride, forme très rare avec développement très rapide de néovaisseaux prérétiniens, d’HIV, de GNV, survenant essentiellement chez les jeunes diabétiques de type 1.
Les IVT doivent toujours être associés à la PPR et on peut raisonnablement les préconiser en cas d’œdème maculaire avant de démarrer la PPR. Elles n’ont pratiquement pas de place dans les autres situations de la RD, sauf en cas de rubéose, de GNV ou de RDP floride.
« Une question revient toujours, note le Dr Bennani : qu’est-ce qu’on perd à faire des IVT ? C’est une question de coût, de traitement très contraignant , demandant une observance parfaite chez des malades habituellement non observants, mais aussi de risque de saignements en injectant les néovaisseaux alors qu’avec des PPR bien faites on arrive à éteindre la néovascularisation. »
Exergue : « Les anti-VEGF n’ont qu’un effet suspensif sur la néovascularisation »
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