On estime que de 15 à 20 % de la population (et 25 % des enfants) souffrent d’allergie oculaire en Europe, et leur nombre augmente. La symptomatologie, comme la sévérité, est extrêmement variable, tout comme les mécanismes physiopathologiques, IgE-médiés ou non.
Devant une allergie oculaire, les traitements basiques restent très importants pour retirer les allergènes présents à la surface ou autour de l’œil : application de compresses froides, lavage au sérum physiologique ou instillation de larmes artificielles. Les antihistaminiques locaux, seuls ou combinés à des stabilisateurs mastocytaires, viennent à bout de la grande majorité des symptômes, éventuellement associés à des antihistaminiques oraux et des antihistaminiques et/ou des corticoïdes par voie nasale, surtout s’il existe une rhinite allergique.
L’immunothérapie surtout efficace sur les pollens
L’immunothérapie, ou désensibilisation allergénique, ne s’adresse qu’aux formes persistantes malgré ces traitements bien conduits, si la symptomatologie est typique et que la sensibilisation est confirmée par les Prick-test ou les IgE spécifiques. En pratique, elle a essentiellement une place dans les rhinoconjonctivites (RC) modérées à sévères retentissant sur les activités quotidiennes et le sommeil, mais elle peut se justifier si l’allergie répond bien au traitement classique mais récidive dès son arrêt. Il s’agit d’administrer de fortes doses d’allergènes pendant trois ans, avec ou sans phase de titration, pour induire la tolérance et réduire la symptomatologie. En France, on n’utilise plus la voie sous-cutanée et la désensibilisation se fait exclusivement par voie sublinguale. L’immunothérapie allergénique sublinguale (ITSL) recourt aux lyophilisats ou aux comprimés sublinguaux, de préférence aux allergènes préparés spécialement pour un individu (APSI), qui ne sont prescrits qu’après échec des précédents ou lorsqu’on ne peut les employer notamment en raison de l’âge (ils n’ont l’AMM qu’après 5 ans).
Les données portent surtout sur la RC allergique, elles sont pauvres sur la conjonctivite isolée et pratiquement inexistantes sur la kératoconjonctivite atopique ou vernale. Dans la RC allergique de l’enfant ou de l’adulte, liée à des allergènes divers — pollens, acariens, moisissures, poils d’animaux — la désensibilisation réduit de façon importante et rapide la symptomatologie et la consommation de médicaments, et améliore la qualité de vie, un effet qui diminue un an après son arrêt. Une métaanalyse sur la conjonctivite allergique chez l’enfant et chez l’adulte, associée ou non à la RA, confirme un bénéfice à court terme sur la symptomatologie, moins marqué en cas d’allergies aux acariens, et sans modification de la consommation des traitements locaux. D’autres études observationnelles montrent une efficacité à court terme en vraie vie relativement modeste, surtout notable dans les allergies aux pollens, moins franche pour les allergies aux acariens, et plus marquée avec une ITSL par comprimés que par APSI. « L’indication de choix semble être l’ITSL par comprimés ou par lyophilisats pour les allergies aux graminées », conclut le Dr Guillaume Lezmi (allergologie pédiatrique, Hôpital Necker).
À noter qu’en début de désensibilisation on observe souvent un prurit oculaire, qui cède au traitement symptomatique et n’empêche pas la poursuite de l’ITSL.
Les biothérapies dans les formes sévères
Les biothérapies s’adressent essentiellement aux kératoconjonctivites de l’enfant, et tout particulièrement à la KC vernale (KCV), qui relève classiquement des topiques aux corticoïdes ou aux immunomodulateurs. L’intérêt des biothérapies et d’épargner les corticoïdes, pour limiter leur iatrogénicité, et d’offrir une alternative aux formes résistantes à la ciclosporine ou qui engagent le pronostic vital. « Elles n’ont pas actuellement d’AMM en ophtalmologie, souligne la Dr Flore Amat (pneumopédiatre et allergologue, Hôpital Robert Debré), mais il existe un certain rationnel physiopathologique pour leur utilisation. » Il s’agit essentiellement des anti-IL5 (mepolizumab, reslizumab), d’un antirécepteur de l’IL5, le benralizumab, qui n’a pas l’AMM en pédiatrie, des anti-IgE (omalizumab) ou de l’anti-IL4/IL13 (dupilimumab). L’omalizumab aurait une efficacité à court terme, mais les publications sont très peu nombreuses. Le dupilumab a l’AMM dans l’asthme et la dermatite atopique mais avec, dans 20 à 30 % des cas, la survenue d’une conjonctivite (lire aussi p. 29).
Session « immmunomodulation et allergie oculaire »
Article précédent
Orbitopathie basedowienne : une maladie auto-immune complexe
Article suivant
Des clichés qui font tout changer
L'explosion de la myopie, une bombe à retardement
Attention à la photophobie chez l’enfant
Les mécanismes de sécheresse oculaire
La photocoagulation garde toute sa place dans la rétinopathie diabétique
Orbitopathie basedowienne : une maladie auto-immune complexe
Le casse-tête du traitement des allergies oculaires ?
Des clichés qui font tout changer
Dépister l’amblyopie
Pesticides et glaucome
Les atteintes du dupilumab
Les SMS du congrès SFO 2022
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?