En 40 ans, les médecins ont peut-être plus changé que la médecine. Ce numéro des 40 ans du « Quotidien du Médecin » n’est pas, en conséquence, un simple catalogue de progrès techniques, il est beaucoup plus que cela.
En effet, les bouleversements de la médecine sont à la mesure des évolutions sociologiques.
L’archétype du médecin : homme, notable, exerçant seul jour et nuit, dimanches et fêtes, est devenu une femme exerçant dans un cadre horaire précis, soucieuse de ses patients mais aussi de sa vie personnelle, travaillant beaucoup plus souvent en groupe, télétransmettant, gérant le dossier médical et prescrivant sur ordinateur. Son cadre de travail est urbain, les médecins ayant progressivement presque disparu des « zones sous-médicalisées ».
Après 18 heures, ses patients ont l’habitude : en cas d’urgence, ils appellent SOS Médecins ou vont aux urgences hospitalières où ils attendent quelques heures dans une ambiance de personnel surchargé…
Est-ce à dire que le « meilleur système de santé du monde » a failli ? Peut-être pas, mais il est fissuré.
Tarification à l’activité à l’hôpital, parcours de soins, loi HPST, ces réformes pourtant nécessaires donnent le tournis aux professionnels de santé. Quant aux patients, leur pouvoir s’est accru considérablement, pour le plus grand bien de la santé publique.
Parallèlement, grâce au développement de la médecine préventive, aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion, aux statines, le risque vasculaire a considérablement diminué tandis que l’imagerie, toujours plus fine, toujours moins invasive, donnait à l’exploration du corps une précision jamais atteinte, y compris pour les organes creux. En cancérologie, le pronostic des cancers, qui n’avait pas beaucoup évolué au cours des années 1970 à 2000, s’améliore pas à pas depuis dix ans grâce notamment aux monoclonaux.
La chirurgie a extraordinairement progressé. Elle s’est informatisée (robotisation). Désormais, certaines opérations chirurgicales sont préparées comme un plan de vol en aéronautique. Les greffes d’organes, de plus en plus nombreuses et parfois aux confins de l’exceptionnel (greffe entière de visage), sont devenues routinières.
Le modèle de l’hôpital des années 1970 (gros bâtiment monobloc) paraît obsolète. Il est désormais construit autour des besoins du patient, adapté à l’environnement, beaucoup moins consommateur d’énergie, beaucoup moins équipé en lits.
La France, au cours du développement quasi industriel de son système de santé, a été frappée en plein vol par une tragédie, celle du sang contaminé. Médecins, soignants, politiques, ministres ont vécu cette tragédie dans leur conscience et jusque devant les tribunaux. Ajoutons celle de la vache folle, celles de la canicule, de la légionellose dans les hôpitaux, de la contamination par l’hépatite C, des pandémies aviaires, grippales et l’on peut s’étonner de l’inébranlable confiance des Français dans leur système de santé et dans leurs soignants, en ville ou à l’hôpital. Cependant, ces tragédies ont laissé des traces durables.
Le principe de précaution s’est imposé partout, il paralyserait la recherche, l’innovation. Pour certains, il faudrait y ajouter un « principe d’évaluation?».
La création des agences (de la sécurité alimentaire, du médicament, etc.) a donné à tous un sentiment de sécurité très confortable. Et, pourtant, la tragédie du Mediator est venue nous rappeler qu’aucun système n’est parfait et que le médicament reste la meilleure mais parfois la pire des choses. L’impact dans la population de cette tragédie a été d’autant plus fort que nous sommes un des plus gros consommateurs de médicaments du monde… ce qui est peut-être aussi pour quelque chose dans notre longévité.
Le business « santé » n’a pas échappé à la guerre des prix : les patients ont appris à évaluer et à utiliser les soins partout dans le monde : chirurgie esthétique mais aussi cardiaque, ophtalmologique, en Asie, Afrique du Nord…
Et puis, les « french doctors » ont eu le prix Nobel.
Et puis, la France n’en finit pas de revoir son système de santé qui reste un des plus
généreux du monde, mais pour combien de temps ?
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